C’est l’histoire d’une quête esthétique et technique effrénée. Un combat mené pour parvenir à toujours plus de pureté, pour progresser toujours plus loin sur l’arc-en-ciel des couleurs. Une histoire qui s’étend sur pas moins de dix siècles, du VIIIe au XVIIIe siècle, période où la Chine a dominé le monde dans le domaine de la céramique grâce à une maîtrise inégalée de l’art de la porcelaine – ce n’est qu’au XVIIIe siècle que l’Europe à son tour parviendra à en fabriquer.
Dès le VIIIe siècle, l’alliage du kaolin (une argile blanche) et de minerai aluminosilicaté, combiné à une cuisson à très haute température (supérieure à 1 300 °C) permet la réalisation de pièces de vaisselle d’une grande finesse et d’une remarquable solidité. L’ajout de différents matériaux et pigments – oxydes de fer ou de cuivre, cobalt, antimoine, manganèse, or… –, l’introduction d’oxygène pendant la cuisson, les variations de température offrent la possibilité d’accéder, progressivement, à une gamme quasi infinie de coloris.
Le Musée national des arts asiatiques Guimet, à Paris, retrace les grandes étapes de cette recherche au fil d’une élégante exposition intitulée « Au cœur de la couleur » qui réunit 250 chefs-d’œuvre de la porcelaine monochrome chinoise. La plupart sont issus de la collection d’un passionné hongkongais, Richard W. C. Kan, une cinquantaine proviennent des réserves du Musée Guimet, en majorité des legs du collectionneur Ernest Grandidier (1833-1912). Impressionné par le savoir-faire des artisans chinois, celui qui fut conservateur au Musée du Louvre ne se contenta pas d’acquérir quelque six mille pièces lors de ses voyages en Extrême-Orient, mais mena des recherches sur leur fabrication, réunies dans un ouvrage intitulé La Céramique chinoise (1894).
![Coupe sur pied en porcelaine, décor incisé des Huit Trésors sous couverte transparente, fours de Jingdezhen (province du Jiangxi), dynastie Qing, règne de Yongzheng (1723-1735).](https://img.lemde.fr/2024/06/25/1059/827/4346/2897/664/0/75/0/361be2f_1719321092847-050b.jpg)
« Quand on songe un instant aux hasards si multiples de la cuisson, aux causes si nombreuses de détérioration et de destruction, à tous les genres de défauts inhérents à la porcelaine, n’est-il pas inouï, extraordinaire, surnaturel de posséder des pièces parfaites d’une pureté immaculée ? Aussi mon admiration est sans borne toutes les fois que des chefs-d’œuvre de ce genre apparaissent », écrit l’explorateur, dont les formulations enflammées traduisent bien la fascination pour les pièces de sa collection.
Neuf secteurs et teintes
Difficile de ne pas être ébloui à notre tour en parcourant l’exposition divisée en neuf secteurs, chacun correspondant à une étape franchie dans la maîtrise d’une nouvelle teinte. En introduction, un album illustré du XVIIIe siècle de 7 mètres de long, présenté sous vitrine, retrace le processus de ce travail d’artisanat dans les ateliers de Jingdezhen, principale cité porcelainière de Chine. Du broyage des minéraux par des buffles à la sortie des fours des potiers, chaque étape est détaillée comme en bande dessinée.
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