C’est la renaissance d’un vieux compagnonnage. Depuis le début de la guerre à Gaza, lancée à la suite de l’attaque meurtrière menée par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023, la prestigieuse Université américaine de Beyrouth (AUB) est à la pointe, au Liban, des initiatives universitaires en soutien aux Palestiniens. Ce faisant, l’établissement de la rue Bliss renoue avec son riche passé militant, l’époque où il servait d’aiguillon à la mobilisation de l’intelligentsia arabe sur la question palestinienne.
Les 20 et 21 juin, l’AUB accueillera une conférence, « Justice pour Gaza », destinée à lancer des pistes pour la reconstruction du secteur médical dans l’enclave assiégée, avec des praticiens de la région. Au début du mois, le chirurgien palestino-britannique Ghassan Abu Sittah, qui a passé un mois et demi dans l’enfer de Gaza, au début de la guerre, était reçu sur le campus verdoyant. Il a compté, avec l’écrivaine indienne Arundhati Roy, parmi les trois personnalités décorées cette année d’un doctorat honorifique, lors de la cérémonie de remise des diplômes des étudiants, dans le stade de l’université.
Le médecin, que l’Allemagne avait refoulé à la mi-avril et interdit de visa Schengen pour une durée d’un an (une mesure contre laquelle il a eu gain de cause depuis), a pratiqué pendant dix ans, entre 2011 et 2021, à l’hôpital américain (AUBMC), rattaché à l’université. « Ghassan Abu Sittah est un héros : il est intervenu lors de plusieurs conflits à Gaza et a soigné des blessés de guerre de Syrie et d’Irak à l’AUBMC, dit de lui le président de l’AUB, Fadlo Khuri. Nous voulions mettre en valeur cette année des personnalités qui expriment leur empathie envers Gaza et les Palestiniens et dont les actes ont une résonance mondiale. »
Les mots d’Arundhati Roy, lors de la cérémonie, ne sont pas passés inaperçus dans cette université qui reçoit d’importants financements américains : dénonçant le « génocide » à Gaza et « l’apartheid » envers les Palestiniens « dont Israël est coupable », elle a jugé que le gouvernement américain semblait « être sous occupation légale d’Israël » et fustigé le soutien « par les armes et l’argent » de Washington à l’Etat hébreu. La militante indienne a été applaudie.
Tradition libérale
L’AUB n’est pourtant pas un antre de révolutionnaires. Pont avec l’Occident, l’établissement se revendique d’une tradition libérale. Depuis sa création, au XIXe siècle, par un missionnaire protestant américain, il forme les élites du Liban et du Proche-Orient et se veut un lieu de diversité. « Dans les années 1930, avant la Nakba [l’exode forcé des Palestiniens à la création de l’Etat d’Israël en 1948], la majorité des étudiants étaient palestiniens », rappelle Fadlo Khuri. L’établissement, situé dans l’ouest de Beyrouth, à Hamra, a été un creuset du nationalisme arabe.
Il vous reste 57.12% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.