« Un gouvernement inerte et complice » : c’est avec des mots sévères, voire accablants, que le Conseil indigéniste missionnaire (CIMI) a choisi de décrire l’action de Luiz Inacio Lula da Silva. Publié le 22 juillet, le dernier rapport de cette organisation liée à l’Eglise catholique, référence en matière de défense des peuples autochtones, a l’allure d’un réquisitoire. Le pouvoir actuel y est accusé de « négocier avec les génocidaires » des indigènes.
Selon le CIMI, 208 indigènes ont été assassinés au Brésil en 2023, soit une hausse de 15 % par rapport à 2022. Le rapport dénombre sur la même période 1 276 cas de « violences contre le patrimoine » des peuples autochtones, comme l’invasion des terres ou la destruction de propriétés. Mille quarante enfants indigènes sont également morts en 2023 faute de soins ou du fait de malnutrition.
Ces chiffres dépassent les niveaux, déjà alarmants, atteints sous la présidence de Jair Bolsonaro (2019-2023), qui était opposé à toute avancée des droits des indigènes. Dans son rapport fourni, long de 253 pages, le CIMI dénonce d’ailleurs une « situation de continuité des violences et des violations contre les peuples originels » entre Lula et son prédécesseur d’extrême droite.
Le dirigeant de gauche était pourtant attendu avec espoir au Brésil. Revenu aux affaires en janvier 2023, Lula a inauguré un tout nouveau ministère des peuples indigènes et restauré dans leurs budgets et prérogatives les principales institutions de défense des autochtones. Il n’a cessé de s’afficher aux côtés du vieux cacique Raoni Metuktire, 92 ans, présent notamment lors de la visite d’Emmanuel Macron au Brésil, en mars.
Promesses de campagne oubliées
Mais rapidement, la déception s’est installée. « Dénué de majorité au Congrès, Lula s’est vu forcé de gouverner avec des partis du centre et de la droite, favorables à l’agronégoce », déplore Manuela Carneiro da Cunha, anthropologue spécialiste des relations entre l’Etat brésilien et les peuples autochtones. Depuis le début de son mandat, le président de gauche n’a homologué que dix nouvelles terres indigènes, oubliant ses promesses de campagne.
Pire : contre l’avis du Tribunal suprême fédéral, les parlementaires ont adopté, fin 2023, la loi dite du « repère temporel », disposant que l’homologation de nouvelles terres ne sera désormais possible que dans des zones peuplées par les indigènes au moment de l’adoption de la Constitution, en 1988, ignorant ainsi les expulsions et déplacements forcés subis par ces populations. « Une mesure aberrante, absurde et anticonstitutionnelle », tonne Mme Carneiro da Cunha.
Il vous reste 42.35% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.