La cour d’assises spéciale de Paris a rendu son verdict jeudi 13 juin en appel contre deux accusés jugés pour leur rôle présumé dans l’attentat de Nice qui a fait 86 morts le 14 juillet 2016. Les deux hommes ont été jugés coupables et sont condamnés à 18 années de réclusion criminelle.
Seuls deux des huit accusés de première instance, Mohamed Ghraieb et Chokri Chafroud, deux amis de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, le Tunisien de 31 ans auteur de l’attentat au camion-bélier sur la promenade des Anglais le soir du feu d’artifice, avaient choisi de faire appel. Poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, ils avaient été tous deux condamnés à 18 ans de réclusion criminelle lors du premier procès en décembre 2022.
Alors qu’en première instance le parquet avait requis 15 ans d’emprisonnement contre les deux hommes, l’avocate générale, Naïma Rudloff, avait cette fois requis le maximum légal prévu, soit 20 ans de réclusion à leur encontre.
« Laissez-moi une chance », a demandé Mohamed Ghraieb avant que la cour ne se retire pour délibérer. « Je ne suis pas un terroriste. Je suis réinsérable. Je ne suis pas dangereux. Je suis contre toute forme de violence », a-t-il imploré. Son co-accusé n’a pas souhaité s’exprimer.
Estimant que le dossier ne reposait que sur des « fantasmes » et des « hypothèses », les avocats des deux accusés ont plaidé mardi 11 juin et mercredi 12 juin leur acquittement. La cour était composée uniquement de magistrats professionnels et présidée par Christophe Petiteau, un magistrat habitué aux procès pour terrorisme.
« Un soutien logistique et idéologique »
Mohamed Ghraieb, réceptionniste d’hôtel franco-tunisien de 48 ans, et Chokri Chafroud, 44 ans, un migrant tunisien sans-papiers, étaient soupçonnés d’avoir apporté « un soutien logistique et idéologique » à l’auteur de l’attentat de Nice.
Selon l’accusation, qui admet que les deux accusés ne sont ni complices, ni co-auteurs des actes de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ils auraient néanmoins été sollicités par leur compatriote pour lui fournir une arme et auraient été associés à la location du camion qui a servi au massacre.
Lors du procès, les deux accusés ont répété qu’ils n’avaient pas cherché d’arme pour Mohamed Lahouaiej-Bouhlel – mais M. Chafroud a livré plusieurs versions sur le sujet – et qu’ils n’avaient pas été associés à la location du camion.
Quelques jours avant l’attentat, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait invité séparément les deux hommes à monter avec lui dans son camion. Mais il ne s’agissait pas de faire des repérages en vue de l’attentat, a reconnu l’accusation.
Des messages envoyés à l’auteur de l’attentat
Issu d’une famille rurale du Sud tunisien, Chokri Chafroud a arrêté l’école à l’âge de 11 ans. Après un premier passage à Nice à l’été 2015 où il a rencontré pour la première fois Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, il était reparti en Tunisie au début de l’année 2016, sans perdre contact avec son compatriote, avant de revenir clandestinement à Nice au printemps 2016.
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Lus à l’audience, les messages envoyés par Chokri Chafroud à Lahouaiej-Bouhlel alors qu’il se trouvait en Tunisie, frustré et sans le sou, sont d’une rare obscénité et souvent très violents. Trois mois avant l’attentat, Chokri Chafroud avait ainsi écrit à son ami : « vas-y, charge le camion avec 2 000 tonnes de fer et nique, coupe-lui les freins mon cher, et moi je regarde ». Pour l’accusation, ce genre de messages a pu inspirer le mode opératoire de Lahouaiej-Bouhlel.
Quant à Mohamed Ghraieb, l’accusation a considéré qu’il pouvait être à l’origine de la radicalisation du tueur. En janvier 2015, trois jours après l’attentat contre Charlie Hebdo, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait écrit sur ses réseaux sociaux « Je suis Charlie ». Mohamed Ghraieb lui avait répondu : « Je suis pas Charlie…) T’as vu comment Dieu a envoyé des soldats d’Allah pour les finir comme des m… !! ». En première instance, M. Ghraieb avait nié être l’auteur de ces messages de haine. En appel, il a reconnu les avoir rédigés. « Quand je vois ce que j’ai écrit, j’ai honte », a-t-il dit.