- En pleine crise politique, une nouvelle théorie est apparue en ligne.
- Celle-ci prétend qu’Emmanuel Macron activera l’article 16.
- Un recours aux « pleins pouvoirs » qui attise les théories du complot.
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L’info passée au crible des Vérificateurs
C’est une « petite musique » dont on a bien du mal à connaître l’origine. Depuis le 6 octobre et la démission du très éphémère (nouvelle fenêtre)gouvernement de Sébastien Lecornu, plusieurs internautes spéculent sur la suite. Parmi eux, nombreux sont ceux qui évoquent la possibilité pour le président de la République d’avoir recours à l’article 16 de la Constitution afin de mettre fin à la crise politique que traverse le pays. C’est-à-dire de s’arroger les pleins pouvoirs. Une éventualité qui pousse même les esprits les plus complotistes à imaginer une grande conspiration prévue d’avance.
Une théorie issue des sphères complotistes
L’hypothèse n’a pas attendu les derniers rebondissements (nouvelle fenêtre)à Matignon pour apparaître. Dès la matinée du 6 octobre et la démission surprise du Premier ministre, Alexis Poulin, créateur d’une chaîne YouTube et chroniqueur à Sud Radio, avance (nouvelle fenêtre)ainsi la thèse d’une « mise en scène »
orchestrée par l’Élysée avec, pour seul objectif, le recours à l’article 16.
Il n’en fallait pas plus pour susciter les inquiétudes et nourrir les rumeurs infondées. Comme avec cet internaute (nouvelle fenêtre). Adepte des fausses informations, il affirme dans l’après-midi que « des macronistes appellent à l’utilisation de l’article 16 ». « La France basculerait de facto dans une dictature »,
prévient-il. En réalité, il n’existe aucune prise de position publique d’un membre de la majorité présidentielle allant dans ce sens. Et le service politique de TF1-LCI (nouvelle fenêtre)est formel : aucun élu, de quelque bord que ce soit, ne cite cette piste. Le seul représentant politique qui l’avance n’est autre que Florian Philippot, patron du parti Les Patriotes, sans mandat depuis 2021.
D’après nos recherches, il s’agit plutôt d’un engouement exclusivement présent sur les réseaux sociaux. Depuis le 6 octobre, plus de 20.000 publications s’intéressent à cette éventualité sur X, selon l’outil d’analyse Visibrain (nouvelle fenêtre), avec trois pics distincts. Le premier juste après la démission du gouvernement fraîchement nommé. Le second après l’annonce des « ultimes négociations »
menées par le locataire de Matignon et enfin le troisième après la prise de parole de Sébastien Lecornu dans la soirée. Tandis qu’il estime devant les caméras que « ce n’est pas le moment de changer de Président »
face aux tensions internationales, les internautes y voient l’aveu d’une annonce historique à venir. « Je pense clairement que si le prochain gouvernement choisi par Macron est censuré, il n’aura plus aucune solution autre que l’article 16 ou la démission. Vu les mots et le langage corporel de Sébastien Lecornu »
, écrit l’auteur d’un blog, faisant de cette publication (nouvelle fenêtre)l’une des plus virales à ce sujet.
Toujours d’après les données que nous avons pu analyser, si le sujet a provoqué de nombreuses publications, celles-ci proviennent toutes d’une seule et même sphère. À savoir des comptes complotistes, proches des sphères anti-vaccin ou Gilets jaunes. À l’instar de Béatrice Rosen. Ancienne chroniqueuse pour TPMP et opposée au « charlatanisme »
des vaccins, elle évoque dès le 5 octobre (nouvelle fenêtre) la volonté du président de la République de « chercher le chaos total »
. « Je pense qu’il cherche le pourrissement pour pouvoir passer l’article 16 »
, s’insurge-t-elle. Ce sont également trois autres comptes proches de cette mouvance qui vont générer le plus de partages sur X. À savoir une « patriote chrétienne »
représentante du mouvement anti-vaccin, un blog adepte des fausses informations et Mike Borowski, cet ancien élu UMP qui « assume »
(nouvelle fenêtre)
être une figure du complotisme. Ce dernier est même allé jusqu’à accorder une « émission spéciale »
à ce sujet sur YouTube.
Les conditions ne sont « pas réunies »
Mais derrière les spéculations de la sphère complotiste, quelle est la crédibilité de cette hypothèse ? Tous les constitutionnalistes s’accordent à dire que celle-ci n’a « aucun sens »
(nouvelle fenêtre). Auprès de TF1info, Bertrand-Léo Combrade, professeur en droit public à l’Université de Poitiers, rappelle ainsi que « deux critères cumulatifs »
doivent être réunis afin que le chef de l’État puisse activer cet article. À savoir une « menace grave et immédiate des institutions de la République, de l’indépendance de la Nation, de l’intégrité de son territoire ou de l’exécution de ses engagements internationaux »
et « l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels »
, comme l’écrit la Constitution (nouvelle fenêtre).
Deux conditions présentes par exemple lors d’une tentative de coup d’État ou une invasion de la France. Et qui ne sont « absolument pas réunies »
aujourd’hui. « Aucune menace grave ne menace le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels »
, comme le Parlement, le gouvernement ou encore le Conseil constitutionnel. « La mise à l’arrêt des décisions politiques ne signifie pas qu’il y a altération du fonctionnement »
, poursuit-il, rappelant que les ministres démissionnaires (nouvelle fenêtre)ont en effet encore pour mission l’expédition des affaires courantes.
Reste que cet article instaure bel et bien « une dictature provisoire »
, selon l’expression de notre interlocuteur. Ce qui explique aussi les inquiétudes qui l’entourent. « C’est un article qui fonctionne comme un revolver »
, nous explique le constitutionnaliste, avant de préciser avec cette comparaison : « Il vous défend en cas d’attaque, mais peut-être très dangereux. »
Un péril qui alimente régulièrement les débats et les craintes. À commencer par celles de la sphère complotiste. Si ses membres le redoutent aujourd’hui, ils n’ont pas attendu la crise politique actuelle pour brandir cette menace. Lors des manifestations du 10 septembre, certains, déjà, voyaient une grande manipulation visant à activer l’article 16.
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