Des blocages d’agriculteurs en colère reprennent en France et devraient s’amplifier la semaine prochaine.
La raison de ce regain de mobilisation : les promesses non tenues du gouvernement depuis les manifestations du début d’année.
La possible signature de l’accord commercial Mercosur et les aléas climatiques contribuent à exacerber le mécontentement de la profession.
Une génisse éventrée par un loup déposée devant une sous-préfecture du Doubs, une veillée funèbre tenue à « la mémoire de l’agriculture française » en Corrèze, des chrysanthèmes disposés au pied de croix symbolisant des éleveurs des Vosges abandonnés par le groupe laitier Lactalis… depuis début octobre, des actions coup de poing menées par les agriculteurs en colère se multiplient en régions. Malgré de nombreuses aides d’urgence et annonces du gouvernement, la mobilisation agricole devrait encore s’amplifier la semaine prochaine.
L’alliance syndicale majoritaire FNSEA-JA a en effet appelé à des actions nationales une fois les semis d’hiver terminés, « à partir de la mi-novembre », probablement la semaine du 18 novembre, alors que débutera le sommet du G20 au Brésil. La gronde reprend, entre autres, car le monde agricole a le sentiment que les mobilisations de l’hiver dernier n’ont pas changé grand-chose. Mais la perspective d’une conclusion du traité de libre-échange entre l’UE et le Mercosur pourrait bien faire déborder le vase.
Promesses « non tenues »
« Sans réponse structurelle, la crise n’a jamais cessé et elle s’est largement aggravée du fait des aléas climatiques », souligne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne auprès de l’AFP.
Invité de la matinale de TF1 le 16 octobre dernier, Arnaud Rousseau , le président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), était revenu sur les raisons de la gronde, qui selon ses mots n’est pas de retour mais « n’est jamais partie ». Pour lui, les engagements gouvernementaux n’ont en effet toujours pas été tenus. « On nous a fait des promesses. Que les promesses soient tenues, c’est normal ! « , s’était exclamé ce dernier sur notre antenne. Les syndicats s’accordent sur un point principal : la nécessité d’un revenu décent.
Mercosur
Aux difficultés de trésorerie s’ajoutent la crainte d’une signature de l’accord de libre-échange de l’Union européenne avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay et Bolivie) et la peur de voir les taxes grimper aux frontières chinoise et américaine.
En Haute-Garonne, Jérôme Bayle, éleveur bovin en Haute-Garonne, l’une des figures des mobilisations agricoles qui avaient marqué le Sud-Ouest l’hiver dernier, estime que la signature de l’accord UE-Mercosur sera l’élément « qui fera exploser la colère ».
Avec cet accord, « on va autoriser aux Français de manger ce qu’on ne nous autorise plus à produire depuis plus de 20 ans en France: du bœuf aux hormones, du maïs OGM, du poulet industriel », déplore le fondateur des « Ultras de l’A64 », du nom de l’autoroute reliant Tarbes à Toulouse, bloquée pendant plusieurs semaines cet hiver. A la FNSEA, qui défend la vocation exportatrice de la France pour des produits comme le blé ou le cognac, Arnaud Rousseau appelle Paris à mettre son veto à ce traité.
« On n’aura jamais la force de frappe de ces grands pays qui déforestent, qui utilisent des OGM, des produits phytosanitaires interdits ici », affirme Cyril Bousquet, éleveur dans la vallée du Tarn et président de la section bovins-lait de la FDSEA Tarn, ajoutant : « Il faut qu’il y ait des normes et des barrières qui fassent qu’on soit concurrentiels sur les mêmes créneaux ».
Aléas climatiques
Ensuite, après une année marquée par des pluies abondantes et quasi continues, la France a connu en 2024 sa pire récolte de blé en 40 ans et vu ses vendanges chuter d’un quart. « Ça dure depuis le mois d’octobre 2023, on a quasiment 50 à 60% de pluie en plus par rapport à d’habitude, avec un mois de septembre 2024 qui est le plus pluvieux depuis vingt-cinq ans », avait pour sa part déclaré mi-octobre sur franceinfo, Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA, agriculteur dans l’Oise.
« Il y a deux gros problèmes aujourd’hui en France, le plus gros c’est tout ce qui est environnement, la météo catastrophique. Et deuxième chose c’est la loi d’orientation agricole, qui a été repoussée. C’est les deux points les plus pénalisants dans le monde agricole « , avait résumé de son côté Etienne Fourmont, agriculteur dans la Sarthe et youtubeur ce vendredi sur TF1. Face à l’ampleur des difficultés rencontrées en raisons des conditions météorologiques exceptionnelles, les syndicats exigent des indemnités de pertes d’exploitation.
Diffusion de maladies dans les élevages
Des Pyrénées à la frontière belge, les troupeaux de vaches et de brebis subissent en outre des maladies menaçant la fertilité des animaux survivants et donc la production future. Les épizooties touchant le bétail se sont en effet multipliées au cours des derniers mois, à commencer par la fièvre catarrhale ovine (FCO) et ses variants, et la maladie hémorragique épizootique (MHE).
A titre d’illustration, pour Jérôme Bayle, les pertes se sont traduites par environ un quart d’avortements parmi les 100 vaches de son troupeau.