La guerre froide a beau relever d’une époque déjà lointaine, il reste des secrets à lever sur l’espionnage politique de l’Union soviétique, en France, durant cette période, qui va de la fin de la seconde guerre mondiale à la chute de l’URSS, au début des années 1990. L’examen des archives du KGB remises aux Britanniques, en 1992, par le transfuge Vassili Mitrokhine (1922-2004) permet d’éclairer le rôle joué, à des degrés très divers, par certains politiciens français au service de Moscou. Le sujet reste sensible, et les cas sont si variés qu’ils incitent à la prudence sur l’implication et la responsabilité des uns et des autres. De la simple proximité idéologique avec le communisme à la franche compromission, rémunérée ou pas, le spectre est large, et la présence de noms dans les rapports secrets des services de renseignement soviétiques ne vaut pas, à elle seule, preuve d’une trahison.
L’exemple de Pierre Sudreau (1919-2012), ancien résistant et figure de la vie politique dans les années 1960, illustre cette complexité. En octobre 2022, trois anciens dirigeants de la direction de la surveillance du territoire (DST), Jean-François Clair, Michel Guérin et Raymond Nart, révélaient, dans leur ouvrage La DST sur le front de la guerre froide (Mareuil Editions), avoir travaillé sur les liens entre cet ancien ministre du général de Gaulle et le KGB. Interrogé par Le Monde, fin août, M. Nart expliquait : « Sudreau se disait “centriste”, mais ses prises de position en faveur de l’URSS étaient en contradiction totale avec son appartenance politique, ça a attiré très tôt l’attention de la DST. »
Les archives du KGB, livrées par Mitrokhine, confirment, en effet, ces soupçons. Pierre Sudreau y est qualifié d’« agent d’influence ». Des documents le décrivent comme partie prenante, entre les années 1960 et 1980, d’opérations lancées par le KGB pour influer sur les autorités politiques françaises et l’opinion publique en faveur de Moscou. Nulle trace, en revanche, de rémunération pour ses services ou de détails sur son mode de communication avec le KGB.
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