L’ancien patron des stups François Thierry, accusé d’avoir réalisé une garde à vue fictive en 2012, a été acquitté, vendredi 27 septembre, à Lyon, à l’issue d’un procès qui a souvent placé policiers et magistrats dos à dos. La mesure était « procéduralement irrégulière » mais il n’y avait « pas d’intention frauduleuse », car elle avait été menée « sous contrôle » et « en accord avec le parquet de Paris », a déclaré le président de la cour criminelle du Rhône, Eric Chalbos.
Celui-ci est allé contre les réquisitions de l’avocat général Vincent Auger qui avait réclamé quatre ans de prison avec sursis, en dénonçant une « catastrophe policière et juridique », alimentée par « la mégalomanie » de François Thierry. La cour a d’autre part égratigné le parquet de Paris qui a toujours assuré ne pas avoir disposé d’une information complète et loyale dans cette affaire.
A l’énoncé du jugement, le commissaire, âgé de 56 ans, a versé quelques larmes, avant d’étreindre des collègues. Il est « heureux car sa bonne foi a été reconnue », a commenté son avocat Me Francis Szpiner en sortant de la salle d’audience. « Cette décision met fin en partie au calvaire que François Thierry subit depuis plusieurs années, a-t-il poursuivi. C’est émouvant que la justice triomphe. »
L’ancien chef de l’Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS) était accusé d’avoir rédigé un faux procès-verbal de garde à vue pour justifier l’extraction de prison, en avril 2012, de son principal « indic », Sofiane Hambli.
La manœuvre avait permis à ce gros trafiquant de suivre, à distance depuis une chambre d’hôtel, l’arrivée de six tonnes de résine de cannabis sur une plage espagnole, une « livraison surveillée » par la police et destinée à démanteler les réseaux de revente en France.
Seule 1,9 tonne avait ensuite été saisie et, en début de procédure, François Thierry avait été mis en examen pour complicité de trafic de drogue, des charges finalement abandonnées, l’accusation n’ayant trouvé aucune preuve de malversation.
Lors des audiences, le commissaire, qui pilote désormais la stratégie numérique de la police nationale, a reconnu les faits, ainsi que la destruction du PV et de téléphones utilisés pendant l’opération. Mais il a réfuté toute infraction. « Je reste persuadé de n’avoir lésé personne, menti à personne, rédigé aucun faux », a-t-il déclaré avant le début des délibérations. La veille, il avait expliqué avoir « habillé » l’extraction de Sofiane Hambli « à la demande du parquet de Paris », qui voulait un cadre juridique en cas d’accident ou de tentative de fuite.
Un autre procès à venir
Sans nier être intervenus, plusieurs magistrats ont assuré ne pas avoir connu tous les tenants et aboutissants de l’opération. Appelé comme témoin, l’ancien procureur de Paris François Molins a accusé l’OCRTIS d’avoir livré pendant des années une « information parcellaire, cloisonnée, déloyale » à ses services.
Le Monde Ateliers
Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences
Découvrir
L’avocat général Vincent Augier a repris cette conclusion dans les réquisitions. « Pour se défausser de sa responsabilité et consacrer sa toute-puissance, François Thierry met en cause les magistrats, il ment. » « Malheureusement dans cette affaire, tous les magistrats n’ont pas été à la hauteur », a-t-il toutefois admis, jugeant « invraisemblable » qu’une procureure adjointe ait accepté de prolonger la garde à vue sans compte rendu d’enquête. Celle-ci, Véronique Degermann, avait initialement été mise en examen pour « complicité de faux » avant de bénéficier d’un non-lieu.
Dans sa plaidoirie Me Szpiner a présenté son client comme un « croisé » de la lutte antidrogue victime d’un « acharnement » et d’un « bras de fer entre la justice et la police ». Cette affaire est une « tartufferie » et « le parquet s’enferre dans le mensonge ». Il n’y a pas eu « de faux » mais une « irrégularité » et surtout « pas de préjudice » puisque Sofiane Hambli était déjà privé de liberté, a-t-il plaidé.
François Thierry n’est pas tiré d’affaire pour autant. Il devra répondre de « complicité de trafic de drogue » dans un dossier connexe, qui porte sur la saisie, en 2015 en plein Paris, de sept tonnes de résine de cannabis, importées par Sofiane Hambli dans le cadre d’une livraison surveillée opérée par l’OCRTIS. La date de ce procès, qui aura lieu à Bordeaux, n’a pas été fixée.