Un solo, un vrai, qui retourne le ventre et le cœur ! On prend d’un coup une grande respiration en émergeant du spectacle Theo, de Theo TJ Lowe, à l’affiche, le 26 octobre, de la 26e édition du festival Danses & Continents noirs, à Toulouse. Longtemps qu’on n’avait pas été magiquement pétrifié devant un homme dansant face à lui-même. Livrée corps et âme, sans concession, et un rien même d’autocruauté, cette pièce à suspense remplit sa mission d’un dialogue intime avec le public doublé d’une signature artistique tranchante.
« My body is my only escape » (« mon corps est mon seul moyen d’évasion »), confie le chorégraphe anglais dans la bande-son. A 38 ans, après une carrière d’interprète auprès des stars Akram Khan et Hofesh Shechter, Theo TJ Lowe change d’axe. Il se risque à un solo, comme une mise au point, un bilan de santé, une synthèse. Avec la complicité de Jean Abreu et de Shechter, il relève le défi d’être soi au gré d’une équation esthétique où fond et forme s’imbriquent impeccablement. En jogging noir et débardeur ocre rouge, son corps élastique est transpercé par ses nombreux apprentissages, dont celui de la danse classique. Soufflant, grognant, hoquetant, sa main évente son visage, en efface un souvenir et revient à une page blanche. Dans cette crise identitaire sublimée par le geste, Theo offre, tel que le résume l’artiste dans le programme, une « cérémonie pour soi et tous ceux qui en ont besoin ».
Pina Bausch en tête de peloton
Parallèlement, Theo TJ Lowe a donné une master class autour de l’œuvre de Hofesh Shechter. Spectacle et transmission sont les pans jumeaux inséparables de la manifestation pilotée par le chorégraphe, pédagogue et chercheur James Carlès. « C’est la règle du jeu du festival, souligne-t-il. Créer d’un côté, et transmettre aux nouvelles générations de l’autre. Rien ne vaut d’expérimenter le mouvement par soi-même et de le pratiquer pour le comprendre. » Environ cinq cents danseurs préprofessionnels et amateurs profitent pendant cinq jours d’une trentaine d’ateliers.
« Hommage aux grandes figures de la danse », cette 26e édition, qui se déroule jusqu’au 17 novembre entre la MAC capsule culturelle, de la cité universitaire Chapou, et le Centre chorégraphique James Carlès, situés dans le quartier des Amidonniers, pose en tête de peloton le « crush éternel » de James Carlès : Pina Bausch (1940-2009). La Fondation Pina Bausch, installée à Wuppertal (Allemagne) et dirigée par Salomon Bausch, fils unique de la chorégraphe, a envoyé un ambassadeur inspiré et aiguisé. L’interprète Fernando Suels Mendoza, qui a collaboré avec le Tanztheater de 1995 à 2018, est à l’affiche sur les deux fronts : scénique et pédagogique. « C’est une responsabilité pour moi que l’œuvre de Pina ne reste pas entre nous, commente-t-il. Au-delà de ses pièces, il est important que les jeunes puissent partager sa philosophie et son processus de travail. »
Il vous reste 55.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.