Les bombardements russes sur Kiev, le 29 novembre, comptent parmi les plus violents qui ont eu lieu au cours de ces derniers mois. J’ai vécu cela depuis l’abri anti-aérien de l’Hôtel Ukraine, place de l’Indépendance [Maïdan]. « Le -4, c’est le paradis », a plaisanté mon producteur à mon arrivée à la gare centrale, faisant allusion au célèbre bunker situé quatre étages sous l’hôtel, où les gens ont pris l’habitude de se rassembler sur des palettes après la tombée de la nuit.
Mon voyage avait lieu à l’occasion du prix du théâtre ukrainien et d’un opéra sur lequel je travaille. Ici, la nuit, nous sommes presque aussi certains d’entendre les sirènes d’alerte aérienne que la cloche qui annonce l’entracte. Ni Macbeth, ni la Tosca, ni Gaia 24 – un néo-opéra délirant – n’ont pu être joués jusqu’à la fin. Néanmoins, toutes les pièces l’ont été à guichets fermés. Les billets de théâtre sont tellement prisés à Kiev qu’ils se négocient au marché noir.
Il est impossible de ne pas admirer les Ukrainiens pour leur sang-froid et leur courage face à l’agression russe – et à l’indifférence croissante de l’Europe. La réalité que j’ai observée dans de nombreuses zones de crise s’applique sans faute à Kiev : lorsque la terreur fait partie du quotidien, elle donne lieu à une célébration presque solennelle de la normalité. Kiev est étonnamment animée : une métropole regorgeant d’églises, de théâtres et de restaurants. Quant au plan de paix complètement irréaliste proposé par Trump, les Ukrainiens le prennent autant au sérieux qu’ils prenaient autrefois les annonces des dirigeants soviétiques. C’est un peuple libre et fier qui, même en pleine guerre brutale, continue de se battre pour la démocratie et descend dans la rue pour dénoncer la corruption de ses élites – un signe probant que l’indépendance de l’Ukraine n’a pas été achetée au prix d’une conformité interne.
Rejet de tout ce qui est russe
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