« Vous êtes chauds et chaudes pour une suite de bourrées à deux temps ? Eh bien, on va la faire ! » Le ton est donné, joyeux et débonnaire. Danseuses et danseurs s’élancent. Les visages rayonnent de plaisir. Il est un peu plus de 18 heures, samedi 12 octobre, au Point Fort d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Un lieu de culture populaire et bariolée ouvert en 2021, à deux pas du cirque équestre Zingaro. L’accordéoniste Armelle Dousset et le saxophoniste Matthieu Metzger, également joueur de « bidule », un instrument conçu par lui-même créant un son électroacoustique, sont sur scène. Ils forment le tandem Rhizottome né à Poitiers en 2008. Leur nom leur a été inspiré par le mot « rhizotome », du grec ancien rhizotómos (« coupeur de racines »). « Nous coupons les racines pour les replanter ailleurs », disent-ils en chœur.
Rhizottome ouvre le bal. Il se terminera autour de minuit avec l’excellent trio formé en Bretagne, Fleuves, qui booste la musique bretonne à l’électro. Le groupe est la tête d’affiche de cette soirée baptisée Teknibal. Une proposition parmi les plus attractives de la 28e édition de Villes des musiques du monde qui se tient jusqu’au 10 novembre.
Musiques de terroir
Le festival francilien s’est ouvert la veille ici par une carte blanche à la journaliste radio Bintou Simporé qui, pendant trente ans, a donné du sens sur les ondes aux notions de diversité culturelle et de « sono mondiale » avec son émission « Néo géo », diffusée jusqu’en juillet 2023 sur Radio Nova. Teknibal s’inscrit aussi dans cette idée fédératrice d’ouverture musicale, rapprochant plus particulièrement musiques de terroir jouées dans les bals folks et son électro des dance floors.
« Nous collaborons pour la troisième année avec ce festival à travers des soirées créant des passerelles entre musiques traditionnelles et musiques électroniques, explique Matthieu Souchet, concepteur de ce programme et lui-même musicien du duo Turfu (avec l’accordéoniste diatonique Raphaël Decoster, membre du quintette Zlabya, au programme de la soirée). « Ce qui se trouve à la fois dans ces musiques, c’est l’aspect mise en transe, poursuit Matthieu Souchet. D’où l’intérêt à les faire se rencontrer. Nous voulons mélanger des styles de musique et de danse et des publics qui ne se croisent pas nécessairement habituellement. »
Sous la halle, ça guinche sur des bourrées, une danse scottish, une mazurka, ou un an dro breton, dansé en rond, en se tenant par le petit doigt. « Faites-vous plaisir dans le déni de l’automne », jubile Raphaël Decoster avec son groupe Zlabya, devant la joyeuse assemblée en mouvement. Sous le chapiteau, l’autre scène du Point Fort, les corps s’agitent – de manière plus désordonnée –, devant les « DJettes » Zaatar, Flash Saba, IAMBP (I Am Black Panther) présentées par le collectif féminin lillois Laisse tomber les filles, qui se succèdent derrière leurs platines. L’évidence éclate, la belle idée a fonctionné. Le « mariage arrangé » n’est pas toujours une anomalie.
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