Trop de questions sans réponse. Plusieurs associations antinucléaires ont annoncé, mardi 23 juillet, avoir saisi la justice pour contester le « démarrage précipité », selon elles, du réacteur nucléaire de nouvelle génération EPR de Flamanville (Manche).
Les associations ont déposé, d’une part, le 8 juillet « un recours devant le Conseil d’Etat » contre la décision du 7 mai de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) d’autoriser la mise en service de l’EPR, a annoncé le réseau Sortir du nucléaire, dans un communiqué commun avec les associations Criirad, Crilan, Global Chance et Robin des Bois.
Elles ont déposé, d’autre part, une plainte contre X mardi, à Cherbourg et Paris, « afin de faire toute la lumière sur les irrégularités constatées par l’Autorité de sûreté nucléaire sur des pièces de l’EPR ».
Greenpeace s’est associée aux deux actions judiciaires et France Nature Environnement Normandie à la seule action pénale. A travers ces deux procédures, les associations entendent alerter sur « cette mise en service hâtive alors que des questionnements restent sans réponse ».
« La contrainte de délais très serrés »
Le 7 mai, au terme d’un chantier complexe émaillé de déboires techniques, l’ASN a autorisé – avec douze ans de retard – la mise en service de l’EPR, exploité par EDF, qui doit aboutir à la connexion de l’unité au réseau électrique dans l’été. Or pour ces associations, ce feu vert est intervenu « sous la contrainte de délais très serrés » et visait « avant tout » à « éviter les conséquences juridiques d’un énième report ».
La mise en service avait « a déjà été repoussée par décret » en 2017 et en 2020 et la nouvelle échéance prévoyait qu’elle intervienne avant « le 10 avril », avancent-elles. L’expiration de cette date « n’empêche pas l’ASN d’autoriser la mise en service du réacteur », avait dit mi-mars le gendarme du nucléaire à l’Agence France-Presse.
Pour les associations, cette décision est « encore plus étonnante à la lumière des révélations de l’ASN » début 2024 sur de « nouveaux problèmes de contrefaçons, falsifications et suspicions de fraude » dans la filière nucléaire. L’ASN avait annoncé en janvier avoir signalé en 2023 à la justice trois situations de « fraudes avérées », sans plus de précisions.
Un courrier de l’ASN au président d’EDF jointe au dossier de plainte
La plainte des associations auprès des parquets de Cherbourg et Paris, dans l’objectif d’être « jointe à la procédure pénale ouverte à l’initiative de l’ASN », a notamment été déposée pour usage de faux et des « défauts de surveillance » prévus au code de l’environnement, et « au moins un des trois cas signalés concernerait un fournisseur du chantier de l’EPR de Flamanville ».
Newsletter
« Chaleur humaine »
Comment faire face au défi climatique ? Chaque semaine, nos meilleurs articles sur le sujet
S’inscrire
Les plaignants ont joint notamment à leur plainte un courrier du 26 mars 2024 de l’ASN adressé au PDG d’EDF, Luc Rémont, qui enjoignait à l’entreprise de mener des investigations sur des « risques d’irrégularité au sein de la chaîne d’approvisionnement des matériels destinés aux réacteurs nucléaires » du groupe.
« Récemment, des irrégularités ont été mises en évidence au sein de deux entreprises faisant partie de la chaîne d’approvisionnement d’EDF et produisant des matériels destinés aux réacteurs nucléaires en fonctionnement ainsi qu’au réacteur EPR de Flamanville », signalait ce courrier.