Le chef de la junte en Guinée, le général Mamadi Doumbouya a été largement élu, mardi 30 décembre dans la soirée, à la présidentielle. Il s’agit d’un sacre sans suspense, alors que les ténors de l’opposition en exil n’ont pu se présenter, dans un contexte de rétrécissement des libertés.
Quelque 6,8 millions de Guinéens étaient appelés à élire dimanche leur prochain président lors d’un scrutin censé parachever le retour à l’ordre constitutionnel quatre ans après la prise de pouvoir par des militaires dirigés par Mamadi Doumbouya.
M. Doumbouya, 41 ans, a obtenu 86,72 % des suffrages face à huit opposants peu connus du grand public, selon des résultats provisoires de la direction générale des élections (DGE). Abdoulaye Yéro Baldé, chef du Front démocratique de Guinée (Frondeg), arrive deuxième avec 6,59 % des voix.
La participation était le seul enjeu de cette élection. Selon la présidente de la DGE, Djénabou Touré, elle s’élève à 80,95 %, un chiffre en baisse par rapport à celui annoncé dimanche à la fermeture des urnes. La Cour suprême doit désormais proclamer les résultats définitifs.
Plus tôt mardi, quatre candidats ont reconnu leur défaite et félicité Mamadi Doumbouya pour sa victoire dès le premier tour. Dans les rues de Conakry, l’annonce de l’élection de M. Doumbouya tard dans la soirée n’a pas suscité de réaction particulière, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse.
En dépit de sa promesse de rendre le pouvoir à des civils au terme d’une période de transition, M. Doumbouya s’est présenté à cette élection qu’il a remportée sans avoir fait campagne sur le terrain et sans opposants d’envergure.
« Simulacre d’élection »
L’opposition avait appelé à boycotter ce scrutin, qualifié de « simulacre d’élection », organisé plus de quatre ans après le coup d’Etat de septembre 2021 qui a renversé le président Alpha Condé, alors au pouvoir depuis 2010.
M. Condé ainsi que les ex-premiers ministres Sidya Touré et Dalein Diallo, tous trois en exil, n’ont pas été autorisés à se présenter. M. Diallo a dénoncé « une mascarade électorale » visant à légitimer « la confiscation » du pouvoir.
Toutefois, les observateurs internationaux ont salué une élection qui s’est déroulée dans le calme et sans incidents. Une mission de l’Union africaine a évoqué mardi dans un communiqué un scrutin « crédible » qui s’est déroulé dans le calme et propose d’examiner « la possibilité de lever les sanctions imposées au pays » depuis le coup d’Etat. Toutefois, la mission relève la nécessité de « lutter plus efficacement contre le phénomène des enlèvements et disparitions de personnes ».
Les nouvelles de disparitions forcées et d’enlèvements de figures de l’opposition se sont multipliées ces dernières années.
Chape de plomb
Depuis l’avènement de la junte, une chape de plomb s’est abattue sur la Guinée. Plusieurs partis politiques ont été suspendus, les manifestations – interdites depuis 2022 – sont réprimées, et de nombreux dirigeants de l’opposition et de la société civile ont été arrêtés, condamnés ou poussés à l’exil.
Ce scrutin clôt une année riche en élections sur le continent africain, marquée par une montée de l’autoritarisme et de la répression des oppositions et les victoires de nombreux dirigeants déjà en place (Cameroun, Côte d’Ivoire, Tanzanie notamment) à l’issue de votes dont les principaux opposants ont été exclus.
Fin septembre, les Guinéens ont approuvé une nouvelle Constitution lors d’un référendum que l’opposition avait appelé à boycotter, mais où la participation s’est officiellement élevée à 91 %. La nouvelle Constitution, qui autorise les membres de la junte à se présenter aux élections, a ouvert la voie à une candidature de M. Doumbouya. Elle a également porté de cinq à sept ans la durée du mandat présidentiel, renouvelable une fois.
Contrairement à ses voisins sahéliens du Mali, du Burkina Faso ou du Niger, également des régimes militaires issus de coups d’Etat, Mamadi Doumbouya est resté en bons termes avec la France, ancienne puissance coloniale, et tous les partenaires internationaux.
Les partisans de M. Doumbouya mettent en avant le lancement de l’exploitation, en novembre, du gisement fer de Simandou (sud-est), l’un des plus importants au monde et qui devrait générer d’importants revenus. La Guinée est riche en minerais mais plus de la moitié de ses habitants (52 %) vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon les chiffres de la Banque mondiale pour 2024.








