C’est le moment de la sortie pour les Enfermée.s – et de la fin du podcast. Dans ce dernier volet, ils font le bilan de ce qui les attend dehors et s’y préparent. Certains bénéficient de sorties de courte durée, comme un sas avant le retour à la vie libre. Pour d’autres, c’est la « sortie sèche », sans préparation.
C’est l’objet du sixième et dernier épisode de la série documentaire Les Enfermée. s, fruit inédit du travail de Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) et de Mari Goicoechea, contrôleuse.
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Chaque semaine, Le HuffPost diffuse un épisode des « Enfermé.es », le podcast inédit de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, produit en collaboration avec l’association Making Waves. Écoutez le sixième et dernier épisode, Dernier jour :
La sortie, pour les personnes privées de liberté, n’est pas toujours un moment de transition facile. Appréhension et hâte se mêlent souvent à parts égales, pour ceux et celles qui sont enfermés depuis parfois de nombreuses années. « Je vais essayer de faire ma place dans la société. Après, qu’on m’y accepte ou pas, c’est autre chose », témoigne l’un.
Au micro des contrôleuses, Agathe, incarcérée depuis trois ans, vient d’apprendre qu’elle va sortir d’ici 14 jours. Elle évoque le récit d’une de ses copines, sortie après deux ans de détention. « Elle n’arrivait pas à apprécier d’être dehors, à voir des gens etc. qu’elle ne connaissait pas, parce qu’ici on connaît tout le monde », se souvient-elle, avec crainte.
« Aucun patron ne va faire confiance à quelqu’un d’incarcéré »
Elle appréhende autant les aspects négatifs que positifs de sa future liberté retrouvée : « Plus de clef, plus de bonjour à 7h, plus de poubelles à 7h30, plus de repas aux heures imposées, plus de bruit le soir, plus de lumière à 5h et demie du matin, plus de toc toc toc pour s’assurer qu’on est réveillés, énumère-t-elle. Ne plus dire “bonjour surveillante” – ce mot si je pouvais ne plus l’utiliser ce serait bien -, ne plus avoir froid, ne plus être obligée d’allumer la télé, parce que c’est angoissant sans télé… »
Dylan, lui, a depuis plusieurs années fait de nombreux allers et retours en maison d’arrêt. Difficile pour lui de savoir comment sortir de ce cycle infernal. « On nous demande en détention d’essayer de trouver des promesses d’embauche, de trouver une issue pour la sortie, mais il n’y a aucun patron qui va faire confiance à quelqu’un qu’il n’a jamais vu, qui est incarcéré », souligne-t-il.
Il raconte l’une de ses sorties, « du jour au lendemain ». « Je suis sorti, un matin, à 9h, un peu livré à moi-même, pas de boulot, se souvient-il. Devoir retourner chez les parents. » Des conditions qui, selon lui, poussent de nombreux ex-détenus à la récidive. « Ils n’ont pas d’autre issue : ni revenus, ni suivi, ni personne pour être derrière eux, parce qu’il faut se réadapter à la vie dehors », estime-t-il.
« Quand je vais sortir, tout va me tomber sur la tête »
Noham, détenu en maison d’arrêt, appréhende également son éventuelle libération et le retour à la vie « réelle ». « Plus on passe de temps ici et plus on angoisse de sortir et de se retrouver… face aux problèmes, explique-t-il. Mais quand je vais sortir, tout va me tomber sur la tête. » Dettes, intérêts, avocat à payer… Le besoin d’argent n’a fait que s’accumuler en détention. « On est dans un cercle infernal et tout nous pousse à recommencer, parce qu’on sait très bien qu’avec 1 500 ou 1 800 €, on ne va jamais s’en sortir », admet-il.
Le SPIP (service pénitentiaire d’insertion et de probation) a pour mission principale la prévention de la récidive. Caroline, conseillère SPIP, a bien conscience de ces difficultés à préparer la « vie d’après ». « On essaye avant tout d’éviter les sorties sèches, parce que c’est une catastrophe, souligne-t-elle. Ce sont des gens qui ont passé X années en prison et n’ont plus de contact avec la réalité des choses extérieures. Ils ont vécu depuis l’intérieur l’évolution de la société et parfois ils sont en total décalage. » Certains doivent « réapprendre à vivre », tout simplement.
Les sorties de courte durée peuvent aider les détenus à se réacclimater et effectuer des démarches avant leur sortie définitive. Mais elles sont difficiles à obtenir. Adel a pu obtenir de permissions de sortie de quelques jours. Mais même pour lui, la sortie, prévue dans dix jours, est aussi angoissante que fantasmée. « J’ai un trou béant dans mon CV, on va dire. Sept ans, de 18 ans à 25 ans, on va me dire : t’as fait quoi ? Ben, rien, déplore-t-il. L’extérieur, c’est comme si c’était un autre monde. Ça fait six ans qu’il n’y a aucun moment qui m’appartient. Pouvoir marcher tout seul, sans personne à côté qui vous surveille. (…) C’est un rêve. »
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