La Chambre des représentants a adopté mercredi 18 janvier une proposition de loi banissant les traitements de transition de genre pour les mineurs transgenres. Un texte vivement décrié par les associations de défense des droits des personnes LGBTQIA+.
Le texte, porté par l’élue de droite radicale Marjorie Taylor Greene, a été approuvé avec 216 voix pour et 211 contre, et se dirige à présent vers le Sénat. « Cette proposition de loi importante (…) mettra fin aux mutilations génitales et à la castration chimique d’enfants », a affirmé Marjorie Taylor Greene mercredi dans l’hémicycle de la Chambre des représentants.
Son texte liste une série d’opérations interdites si elles sont « effectuées dans le but de changer le corps [d’un mineur] afin de le faire correspondre à un sexe qui diffère de leur sexe biologique ». Les contrevenants, « toute personne qui effectue ou tente d’effectuer » de tels actes sur des mineurs ou qui transporte un mineur à cet effet, risqueraient jusqu’à dix ans de prison. Ce texte est « un reflet direct du décret du président Trump et des promesses de campagne de chaque républicain en 2024 », a souligné Marjorie Taylor Greene.
Un texte à rebours des recommandations internationales
Selon les protocoles validés par les grandes organisations médicales aux Etats-Unis, la transition de genre des mineurs s’identifiant comme trans est sociale et non médicamenteuse jusqu’à l’âge de 10 ans, avec l’adoption de vêtements neutres ou de l’autre genre, par exemple, rappelait en 2020 à l’Agence France-Presse Jack Drescher, professeur de psychiatrie à l’université Columbia et membre de l’Académie américaine de psychiatrie.
A l’approche de l’adolescence, « si les jeunes ont des crises de panique ou des idées suicidaires à l’idée que leur corps change, on peut leur donner du temps avec des bloqueurs de puberté », expliquait-il. Ces inhibiteurs hormonaux retardent l’apparition des règles ou de la pilosité, mais le corps reprend son développement dès l’arrêt des traitements.
A 16 ans, ou exceptionnellement à partir de 14 ans, les médecins peuvent proposer des traitements hormonaux non réversibles aux jeunes qui confirment vouloir opérer une transition vers l’autre genre : des œstrogènes pour faire pousser les seins, de la testostérone pour rendre la voix plus grave… Et ce n’est qu’à 18 ans que des interventions chirurgicales peuvent être réalisées.
Concrètement la loi envisagée auraient surtout pour effet d’interdire les bloqueurs de puberté. Or, la littérature scientifique décrit une amélioration de la santé mentale des jeunes et une baisse des risques suicidaires avec les bloqueurs de puberté.
Une obsession pour Donald Trump
Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump est revenu sur une série d’acquis obtenus par les personnes transgenres, dont il avait fait une de ses cibles lors de sa campagne victorieuse et depuis qu’il est arrivé au pouvoir. Le président américain a fait de la restriction de l’accès aux soins de santé pour les personnes trans et de la minimisation de leur existence une priorité.
« Ces décrets honteux cherchent à discriminer les personnes transgenres dans tous les domaines possibles. Si Trump en fait sa priorité, c’est parce qu’il veut détourner l’attention du public des questions comme l’inflation, les tueries dans les écoles ou le coût élevé des assurances-santé pour lesquelles il n’a pas de réponse », relevait ainsi en février auprès du Monde Sasha Buchert, de Lambda Legal, l’une des plus anciennes organisations de défense des droits des personnes LBTQIA+.
Le président républicain a ainsi ordonné l’exclusion des personnes transgenres des forces armées, a supprimé toute mention de celles-ci des sites Web fédéraux, les a retirées des enquêtes sur les crimes de haine, et autorisé les agences fédérales à couper les subventions des écoles qui permettent aux athlètes transgenres de concourir dans des championnats féminins.
Malgré l’attention disproportionnée portée aux personnes transgenres par l’administration Trump, elles ne représentent que 0,6 % de la population, selon une étude de 2022 du Williams Institute, groupe de réflexion de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA).
Sur 1,6 million de personnes se définissant comme transgenres aux Etats-Unis, plus de 300 000 sont âgées de 13 à 17 ans, dont plus du tiers vivent dans un des Etats ayant interdit les procédures médicales de transition de genre, selon la même étude. Une partie seulement souhaite recourir à la transition médicale.
La « législation antitransgenre la plus extrême jamais envisagée par le Congrès »
Les républicains « sont obsédés par les personnes trans et sont extrémistes sur le sujet », a dénoncé démocrate Sarah McBride, première élue ouvertement transgenre de l’histoire du Congrès américain, selon CNN. « La seule chose qui compte pour les politiciens républicains, c’est de rendre les riches plus riches et de s’attaquer aux personnes trans », a-t-elle lancé. Pour elle, les républicains « tentent de politiser une communauté et des soins qui sont mal compris. Les soins et la santé de chacun ne devraient pas être politisés ».
Des organisations de défense des droits civiques, dont l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), ont qualifié le projet de loi de Greene de « législation antitransgenre la plus extrême jamais envisagée par le Congrès ».
La proposition de loi « criminalise des traitements que les jeunes trans, leurs familles, leurs docteurs, et quasiment chaque association professionnelle légitime considèrent comme nécessaires, sûrs, et bénéfiques, tout en soutenant explicitement des opérations irréversibles et non consenties sur des enfants intersexes », a dénoncé Sinead Murano-Kinney d’A4TE, une association de défense des droits des personnes transgenres.
Pour A4TE, « le texte de Marjorie Taylor Greene tente de retirer à la fois aux personnes transgenres et aux personnes intersexes leurs libertés de prendre des décisions sur leurs propres corps ». L’association rappelle, en effet, dans un communiqué que la proposition de loi inclut une exception pour les opérations chirurgicales sur les enfants intersexes, c’est-à-dire nés avec des caractéristiques génitales, hormonales ou encore chromosomiques ne correspondant pas aux définitions binaires types des corps dits masculins ou féminins. Ces opérations, pratiquées sur des enfants intersexes parfois lors de leurs tout premiers jours d’existence, allant de l’excision aux vaginoplasties, sont dénoncées comme des mutilations par les associations, l’ONU, Amnesty International ou encore Human Rights Watch.












