- Deux associations de traducteurs ont dénoncé un « plan social invisible » chez Harlequin.
- La maison d’édition spécialisée dans la romance a remercié ses traducteurs et fait appel à un prestataire pour traduire une collection.
- Celui-ci s’appuie notamment sur des outils d’intelligence artificielle.
C’est un coup de tonnerre dans le monde de l’édition. Le lundi 15 décembre, deux associations de traducteurs, l’Association des traducteurs littéraires de France et le Collectif En Chair et en Os, publiaient conjointement sur Instagram un communiqué : elles y dénoncent la fin des collaborations des éditions Harlequin, une maison d’édition spécialisée dans les romans d’amour, avec ses traducteurs, dans l’objectif de passer à une traduction faite via l’intelligence artificielle. « Depuis quelques semaines, plusieurs dizaines de traducteurs et traductrices travaillant régulièrement avec les éditions Harlequin reçoivent les unes après les autres un appel téléphonique leur annonçant la fin de leur collaboration avec la maison d’édition »
, commence le communiqué.
Les deux associations, soutenues par d’autres organisations et syndicats du secteur du livre, continuent : « Harlequin abandonne la traduction : un prestataire externe, l’agence de communication Fluent Planet, se chargera de passer les textes dans un logiciel de ‘traduction automatique’ et de recruter directement en freelance des relecteurs et relectrices chargés de post-éditer la sortie machine en français. L’objectif est de gagner en rentabilité en rognant sur le temps de travail. »
Bref, un «
plan social
invisible »
pour les traducteurs.
Ventes en déclin
Dans une déclaration transmise à l’AFP, le groupe HarperCollins, maison mère des éditions Harlequin, s’est défendu : la maison d’édition est en train de « mener des tests »
avec Fluent Planet, une société qui « recourt à des traducteurs expérimentés qui s’appuient sur des outils d’intelligence artificielle pour une partie de leur travail »
. Si aucune collection d’Harlequin n’a encore été traduite uniquement par l’intelligence artificielle, la maison d’édition explique : « Les ventes de nos collections Harlequin déclinent sur le marché français depuis ces dernières années. Nous souhaitons continuer à proposer au lectorat autant de publications possibles au prix public actuel qui est très bas »
, jusqu’à 4,99 euros pour la collection visée par la fin de collaboration avec les traducteurs.
Sur son site, Fluent Planet (qui travaille aussi pour la présidence de la République ou le ministère de l’Éducation) annonce proposer trois niveaux de traduction écrite : basique, standard et avancée. Dans leur communiqué, les deux associations expliquent qu’Harlequin aurait proposé aux traducteurs remerciés « la possibilité (sans aucune garantie, d’ailleurs) de travailler au rabais pour un prestataire externe »
, en guise de compensation.
Salaire dérisoire
Une proposition qui ne satisfait pas les traducteurs, puisque le prestataire leur demande de passer sous le statut d’auto-entrepreneur et non d’auteur, rapporte Samuel Sfez, président de l’Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) à Livres Hebdo
(nouvelle fenêtre). Il dénonce : « Cest payé 3 centimes le mot pour un travail de post-édition, contre des tarifs qui oscillent entre 10 et 15 centimes le mot en traduction technique »
. Les premiers livres concernés par ce changement de traduction devraient être publiés pendant le deuxième semestre 2026, selon le média en ligne.










