L’AVIS DU « MONDE » – CHEF-D’ŒUVRE
Voici, à un an de distance, deux films brésiliens qui arrivent jusqu’aux écrans français, porteurs chacun d’une évocation de la dictature militaire qui s’est longtemps abattue sur le pays (1964-1985). Après Je suis toujours là, de Walter Salles (sorti le 15 janvier), on découvre aujourd’hui L’Agent secret, de Kleber Mendonça Filho – il revient avec le Prix de la mise en scène et le Prix d’interprétation masculine du Festival de Cannes, en mai. Il est assez probable que le récent mandat présidentiel de Jair Bolsonaro (2019-2023), ravivant le spectre dictatorial, ait précipité la mise en œuvre des deux films. En tout état de cause, alors que son compatriote avait choisi la voie pathétique à travers le portrait de la veuve d’un « disparu », Kleber Mendonça Filho compose avec le foisonnement polyphonique et la distanciation pop pour établir une sorte de typologie, solaire et fantomatique, nonchalante et monstrueuse, du fascisme tropical.
Moyennant quoi, ce quatrième long-métrage de fiction confirme le sentiment que Kleber Mendonça Filho est ce qui est arrivé de mieux au cinéma brésilien depuis Glauber Rocha (1939-1981), les deux hommes filmant depuis leur Nordeste natal. Les deux œuvres ne sont, pour autant, guère comparables. Rocha, figure dans les années 1960 du « cinema novo », fut un génie poétique et radical d’une audace insurpassée. Filho, qui joue davantage la carte du romanesque, n’en signe pas moins avec L’Agent secret un chef-d’œuvre, qui marque d’une pierre blanche l’histoire du cinéma brésilien.
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