- Dans toutes les communes de France les listes devront être paritaires aux prochaines élections municipales.
- De nombreux candidats regrettent une obligation qui leur complique la tâche, assurant qu’ils ont des difficultés à recruter des femmes.
- Mais celles-ci mettent plus de temps à se lancer et y réfléchissent à deux fois avant de s’engager en politique pour des raisons bien concrètes.
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Élections Municipales 2026
25.000 communes qui n’y étaient pas soumises le seront les 15 et 22 mars prochains. Les futures élections municipales s’annoncent historiques puisque dans l’intégralité des communes françaises la parité sera obligatoire. Fini le panachage qui était encore possible dans les villes de moins de 1.000 habitants, désormais même dans ces villages – qui représentent 70% des communes françaises – chaque liste devra proposer une alternance homme-femme. Les associations d’élus se sont battues pour faire évoluer la loi, arguant que seule l’obligation permettrait d’atteindre la parité dans les conseils municipaux.
Un argument validé par les chiffres. Selon une étude de la Caisse des dépôts publiée mi-septembre, après les élections municipales de 2020 la France comptait 41,5% de femmes dans les conseils municipaux : 48,4% dans les communes de plus de 1.000 habitants où la parité était obligatoire, mais seulement 37,6% dans les communes de moins de 1.000 administrés. Malgré tout, certains grincent des dents et avancent les difficultés qu’ils ont eues, ont, auront à présenter des listes paritaires, en raison du refus ou de l’hésitation des femmes à s’engager. Mais ces tâtonnements s’expliquent. L’histoire, l’engagement demandé, les violences subies au cours de ces mandats locaux ont toutes les raisons de faire douter les femmes à s’engager, comme l’ont expliqué à TF1info des représentantes d’associations d’élues.
« Avant même de rentrer dans la dimension de genre, l’opacité qui entoure les mandats locaux est un frein à l’engagement »
, nous a expliqué Julia Mouzon, fondatrice d’Elues locales (nouvelle fenêtre), dédiée à la formation des femmes élues. « Il n’existe aucune fiche de poste, lorsque vous êtes élue vous ne savez pas quelle sera la charge de travail, sur quel périmètre vous pourrez agir, quelle sera votre responsabilité, comment s’organisera le travail en équipe, sur qui vous allez pouvoir compter »
, poursuit-elle. C’est pour aider à cela qu’elle a rédigé un « Guide de la candidate », qui en plusieurs chapitres explique « pourquoi et comment s’engager, préparer sa candidature, construire un programme crédible, organiser et financer sa campagne, communiquer avec impact, trouver son équilibre personnel, et bien démarrer son mandat »
.
Quand on leur demande de s’engager sur une liste, de nombreuses femmes se disent ‘pourquoi moi ?’
Quand on leur demande de s’engager sur une liste, de nombreuses femmes se disent ‘pourquoi moi ?’
Véronique Genelle (Elles aussi)
« Au-delà de cette méconnaissance, il y a ensuite pas mal de choses qui peuvent freiner particulièrement les femmes »
, ajoute Julia Mouzon. La première ? L’illégitimité ressentie et exprimée par les femmes avant de s’engager. « Quand on leur demande de s’engager sur une liste, de nombreuses femmes se disent ‘pourquoi moi ? Il n’y a pas quelqu’un d’autre de plus fort, plus formé, plus compétent ?' »
, confirme Véronique Genelle, co-présidente du réseau d’élues locales Elles aussi. « Elles s’infériorisent, elles ne se rendent pas compte que quand on vient les chercher c’est parce qu’un candidat veut les avoir elles »
, poursuit-elle, citant comme explication le syndrome de l’imposteur.
Julia Mouzon y voit aussi une dimension historique : « La vie politique est historiquement masculine »
, « elle se construit dans des réseaux informels genrés, des événements de sociabilité dont sont exclues les femmes, qui se sentent en déficit de connaissance, n’ont pas les bons codes »
. Or, « il n’est pas nécessaire d’arriver dans le monde politique avec une expertise particulière puisque des services sont là pour appuyer les élus. L’enjeu en politique ce n’est pas d’avoir des personnes qui sont des expertes de leur domaine »
, assure l’ancienne salariée du ministère des Finances.
Les femmes plus sujettes aux violences
Les femmes savent également qu’en s’engageant en politique elles seront davantage sujettes aux violences, notamment sexistes, que leurs homologues masculins. Une enquête d’Elues locales menée auprès de 1.000 représentantes politiques en 2021 révèle que 74% des femmes élues ont un jour subi des violences sexistes pendant l’exercice de leur mandat. « Très rapidement cette violence arrive sur les réseaux sociaux, même pour les élues dans les petites communes »
, confirme Julia Mouzon. « La violence de la vie politique en général et en particulier dans l’espace digital c’est un sujet identifié, qui freine les personnes qui n’ont pas envie d’être exposées. »
Aussi, « à 80% les violences sexistes subies par les élues sont le fait de collègues. Donc il y a une violence intrinsèque du monde politique qui existe encore, et à laquelle sont soumises les élues »
, ajoute-t-elle.
Si vous voulez attirer des femmes, des jeunes, vous ne pouvez plus faire des réunions en fin de journée, ou qui durent des heures
Si vous voulez attirer des femmes, des jeunes, vous ne pouvez plus faire des réunions en fin de journée, ou qui durent des heures
Véronique Genelle (Elles aussi)
Enfin, comment concilier un mandat engageant en termes de temps et d’énergie avec une vie personnelle ? « Le cumul du mandat local avec la vie familiale, que les femmes ont davantage en charge que les hommes »
, est un frein important à l’engagement de celles-ci, assure Julia Mouzon. Les conseils municipaux ont encore trop souvent lieu le soir en fin de journée, à l’heure où les femmes s’occupent des enfants. « Si vous voulez attirer des femmes, des jeunes, vous ne pouvez plus faire des réunions en fin de journée, ou qui durent des heures. Là où les femmes sont déjà élues, le format des réunions a déjà changé, elles sont plus courtes par exemple. Les femmes apportent un changement de style, tout le monde le remarque »
, complète Véronique Genelle, dont l’association a également rédigé son guide de la candidate (nouvelle fenêtre), préfacé par la ministre chargée de l’Égalité femmes-hommes Aurore Bergé.
Véronique Genelle, qui a effectué deux mandats en tant qu’élue d’opposition à Hallennes-lez-Haubourdin (Nord), conseille également aux femmes « pour se lancer »
, de « ne pas rester seules »
. « Si vous avez envie de vous présenter, trouvez des référents, des gens qui ont de l’expérience, que vous pouvez aller voir, pas forcément dans votre commune »
, nous glisse-t-elle. Il s’agit en fait de « trouver une personne faisant office de mentor, quelqu’un à qui parler »
.
Construire un statut de l’élu
Aussi, les associations plaident pour un vrai statut de l’élu, qui permettrait d’attirer plus de candidats aux mandats locaux, en particulier des femmes. « La durée d’un mandat équivaut au cumul d’un trimestre pour les cotisations retraites »
, nous donne comme exemple Julia Mouzon. Aussi, puisque « les rémunérations ne sont pas équivalentes à des rémunérations de salariées, ça suppose soit de conserver son emploi, ce que font des femmes dans de petites communes, soit de laisser tomber son emploi, mais donc de renoncer aussi à une forme de stabilité et de sécurité sur le marché du travail »
. Un texte sur le statut de l’élu, soutenu par le Premier ministre Sébastien Lecornu pour encourager l’engagement des élus locaux revient d’ailleurs à l’Assemblée nationale à partir de ce lundi 8 décembre.
Nos interlocutrices sont confiantes sur le fait que partout des listes paritaires pourront être présentées en mars prochain. Et dans l’idéal cette obligation ne sera plus évoquée comme un problème en 2032, date des prochaines élections municipales. « Au fur et à mesure que les femmes entrent dans la vie politique elles montent en compétence, s’approprient l’objet politique qu’est le conseil municipal, le fonctionnement d’une commune. Donc elles seront plus à même de se lancer, y compris en tête de liste, aux élections suivantes. C’est un travail de long terme, mais qui paye »
, conclut Julia Mouzon.
Aujourd’hui, si elles sont 41,5% dans les conseils municipaux, les femmes ne représentent que 17,5% des maires et 36,4% des adjoints.











