LA LISTE DE LA MATINALE
Cette semaine, « Le Monde des livres » vous recommande le récit de Julie Brafman, une enquête sur Yann Andréa, le dernier amour de Marguerite Duras ; les articles d’intellectuels chinois persécutés, recueillis par Anne Cheng ; le roman d’une libération grâce aux écrits du sociologue Pierre Bourdieu, signé Fabrice Pliskin ; un essai d’anthropologie du rebut, physique ou mental, par Octave Debary ; et enfin le dernier livre du Hongrois Péter Esterhazy (1950-2016), qui raconte le cancer du pancréas qui le tue.
RÉCIT. « Yann dans la nuit », de Julie Brafman
Yann dans la nuit est un récit hanté par la disparition. Celle d’un homme, Yann Andréa (1952-2014), qui s’efface progressivement du monde et de sa propre vie, et meurt momifié en personnage de roman. Chroniqueuse judiciaire et enquêtrice à Libération, Julie Brafman piste son sujet avec « rigueur scientifique » et « opiniâtreté policière », retournant sur les lieux des faits, interrogeant les témoins et rouvrant de vieux dossiers comme on s’attaquerait à un cold case.
A la fois enquête, biographie et autofiction – tout au long du récit, la disparition d’Andréa fait écho à celle du compagnon de l’autrice, qui vient de la quitter –, Yann dans la nuit est un livre captivant. Si Julie Brafman n’élude pas l’histoire d’amour passionnelle, déséquilibrée et « éreintante » qu’il vécut avec Marguerite Duras, histoire où tout se jouait par le filtre de l’écriture de l’autrice de L’Amant (Minuit, 1984), elle redonne voix, chair et identité à Yann Andréa, considéré de son vivant comme un « écrivain par procuration » et même comme un « gigolo littéraire ».
Les riches archives qui irriguent le récit et la plume précise et élégante de Julie Brafman le révèlent ainsi en personnage complexe, mélancolique et intense « qui donne son corps à la littérature comme d’autres donnent le leur à la science ». Bousculant la chronologie, procédant par allers-retours dans le temps et télescopages sensibles, jouant avec le mystère et les zones d’ombre, Julie Brafman livre un portrait d’une grande humanité, véritable réhabilitation poétique. V. Fr.
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