- Des sites imitant les codes des médias locaux français relaient des informations trompeuses ou fausses.
- Derrière ces faux médias se cache une opération de désinformation pro-russe.
- Reporters sans frontières alerte sur ce phénomène, à l’approche des municipales de mars prochain.
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… à première vue, ces sites ressemblent à des médias de presse régionale comme on en trouve de nombreux en France. Mais quand on regarde de plus près les contenus, il y a de quoi être surpris : la plupart des articles présents sur ces sites traitent d’immigration, de sécurité, et critiquent vertement l’État français.
Encore plus intrigant, on y trouve de nombreux articles géopolitiques, dont la plupart louent la position du Kremlin et glorifient Vladimir Poutine. Dans certains articles (nouvelle fenêtre), le président russe est même présenté comme un « leader à soutenir dont l’approche ferme et pragmatique offre un contraste saisissant avec les dérives morales de certains responsables européens ».
Plutôt étonnant pour un média régional français.
Ces sites n’ont en réalité rien d’authentique : ils appartiennent à une vaste opération de désinformation pro-russe utilisant les codes de la presse locale française.
Exagérations anxiogènes et fausses informations
Sur ces sites, on retrouve d’abord des contenus trompeurs et anxiogènes. Pour exemple, cet article (nouvelle fenêtre) qui documente une cyberattaque dans le Doubs, une actualité bien réelle couverte par des médias locaux comme L’Est Républicain
. (nouvelle fenêtre) Mais le texte qu’on retrouve sur le faux site est bien différent : il désigne la cyberattaque comme une « maladie numérique »
et la qualifie « d’attaque informatique sans précédent »
estimant même qu’elle « révèle l’absence totale de préparation aux crises numériques »
. Une formulation très exagérée, bien loin des titres factuels de la presse régionale ayant documenté l’incident.
Autre exemple : un vol dans un musée de Langres (nouvelle fenêtre), intervenu le lendemain de celui du Louvre (nouvelle fenêtre). L’article publié (nouvelle fenêtre) sur un de ces faux sites d’actualité régionale déplore « une nouvelle défaillance de la sécurité nationale ».
Là encore, une formulation très orientée. D’autres contenus sont même totalement faux, en particulier quand ils abordent le gouvernement français : ainsi, un article (nouvelle fenêtre)affirme que le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, serait « condamné pour ingérence dans l’affaire Sarkozy »
. Une formulation ambiguë, qui joue sur le fait que le garde des Sceaux a été critiqué pour avoir rendu visite en prison à l’ancien chef d’État.
Au moins 65 sites toujours actifs
Cette opération de désinformation n’est pas nouvelle : elle a déjà été identifiée par plusieurs chercheurs en cybersécurité. Son nom : « Copy-Cop ». Elle a pour particularité de copier des sites d’informations dans plusieurs pays d’Europe pour tromper les lecteurs. Selon un rapport de Recorded Future (nouvelle fenêtre), 141 nouveaux faux sites d’informations français, dont au moins une quinzaine utilisent clairement des références à la presse régionale française, avaient été découverts. « Une fois ces sites identifiés et dénoncés publiquement, ils cessent généralement d’être utilisés »
, explique Clément Briens, analyste chez Recorded Future.
L’organisation a cependant confirmé à la rédaction des Vérificateurs que 65 de ces sites étaient toujours en ligne et pleinement actifs, malgré le fait qu’ils aient été épinglés depuis plusieurs mois. « La plupart des contenus publiés par ces sites sert désormais deux objectifs : renforcer passivement les discours pro-russes grâce à l’utilisation de contenus générés par intelligence artificielle et s’imposer comme des médias crédibles, produisant du contenu régulièrement en vue de futures campagnes »
ajoute Clément Briens. Autrement dit, tout se passe comme si ces sites se positionnaient pour être assurés d’une bonne visibilité lors des prochaines élections.
Élément notable : ces sites ont augmenté leur rythme de publication depuis un mois. Ainsi, pas moins de 6.686 articles ont été diffusés depuis le 18 octobre, selon les chiffres de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), soit près de 40% du total déjà en ligne sur ces sites. Impossible cependant de connaître le trafic réel de ces sites ni de mesurer à quel point leurs lecteurs sont abusés.
Une stratégie en vue des municipales 2026 ?
Cette productivité soudaine inquiète Vincent Berthier, responsable du bureau technologies et journalisme de RSF. « La presse régionale, c’est une presse qui a majoritairement la confiance des Français et l’usurpation de ces médias est en général une stratégie plutôt plébiscitée par les propagandistes pour essayer de tromper le public »
,
analyse-t-il. De fait, selon plusieurs baromètres, comme celui de Kantar (nouvelle fenêtre), la presse locale française est considérée par deux tiers des Français comme fiable.
La presse régionale va jouer un rôle fondamental dans l’accès à l’information afin d’aider les citoyens à se faire une opinion au moment de voter
La presse régionale va jouer un rôle fondamental dans l’accès à l’information afin d’aider les citoyens à se faire une opinion au moment de voter
Vincent Berthier, responsable du bureau technologies et journalisme de RSF
Or, selon Vincent Berthier, cette stratégie n’a rien d’anodin : elle vise à brouiller le débat en vue des élections municipales de mars 2026. « La presse régionale va jouer un rôle fondamental dans l’accès à l’information afin d’aider les citoyens à se faire une opinion au moment de voter. C’est pour ça que pour nous, il y a un véritable danger »
, alerte-t-il. La rédaction des Vérificateurs a pu constater que certains de ces articles avaient été indexés dans des moteurs de recherche comme Google, et pouvaient ainsi apparaître comme de vraies informations crédibles. Autre motif d’inquiétude pour RSF : que ces faux articles soient présentés comme source d’information par des chabots conversationnels tels que ChatGPT.
« Aujourd’hui, on a une saturation de contenus en ligne et un nivelage des contenus par le bas. On ne sait plus vraiment qui produit quoi, avec quelle intention et avec quelle manière de travailler »
regrette Vincent Berthier. Pour résoudre ces problèmes, RSF plaide pour l’introduction de labels clairs, comme la Journalism Trust initiative (nouvelle fenêtre), sur les grandes plateformes telles que Google ou Meta. Ces labels permettraient de distinguer des sources journalistiques fiables des sites pilotés par des campagnes de désinformation. Pour Vincent Berthier, sans ce type d’initiative, « le danger principal est de se retrouver sur un site qui se présente comme légitime et qui en fait manipule l’information pour faire de la propagande grossière ».
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