Le scandale ne pouvait tomber plus mal pour Volodymyr Zelensky et son pays. Alors que l’Ukraine est en pleine négociations du plan présenté par Washington pour mettre fin à la guerre avec la Russie, Kiev vient de perdre celui qui menait la délégation en charge des pourparlers. Ce vendredi 28 novembre, Andriï Iermak, le chef de cabinet de président ukrainien, a présenté sa démission sur fond de vaste affaire de corruption.
• Une démission après une perquisition
Volodymyr Zelensky a annoncé la démission de l’homme considéré comme son bras droit dans son message adressé quotidiennement à ses compatriotes sur les réseaux sociaux. « Le chef du cabinet, Andriï Iermak, a présenté sa démission », a fait savoir le président ukrainien, qui l’a remercié pour avoir « toujours représenté la position de l’Ukraine » et « toujours adopté une position patriotique ».
Cette démission a été annoncée quelques heures après que des perquitions ont été menées au domicile de Iermak par l’agence anticorruption ukrainienne (NABU) et le parquet spécialisé dans les affaires de corruption (SAP).
Andriï Iermak a lui-même confirmé cette opération effectuée chez lui et affirmé qu’il coopérait « pleinement » avec les enquêteurs. « Ils ont eu un accès total à l’appartement et mes avocats sont sur place, en interaction avec les représentants des forces de l’ordre », a-t-il indiqué dans un message partagée sur Telegram.
• Des dizaines de millions d’euros détournés
Le Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption comme le parquet spécialisé n’ont pas précisé pourquoi le domicile d’Andriï Iermak a été perquisitionné. Mais pour les députés de l’opposition, elle est liée au scandale qui a déjà poussé deux ministres à la démission le 12 novembre dernier: le ministre de la Justice, Guerman Galouchtchenko, et le ministre de l’Énergie, Svitlana Gryntchouk.
Ces deux démissions étaient intervenues après une annonce des instances anticorruptions concernant une opération baptisée « Midas », qui avait alors conduit à 70 perquisitions en l’espace de quinze mois.
Visant à faire la lumière sur un « système criminel de haut niveau dans les secteurs de l’énergie et de la défense », cette enquête a permis de récolter de nombreux éléments à partir d’enregistrements de discussions sur des pots-de-vin au ministère de l’Energie, ainsi qu’à l’agence publique du nucléaire, Energoatom.
En tout, ce sont environ 86 millions d’euros qui auraient été détournés par ce réseau à la tête duquel se serait trouvé Timour Minditch, un ami proche et un ancien associé d’affaires, de Volodymyr Zelensky.
• Andriï Iermak, plus qu’un chef de cabinet
Le scandale touchait donc déjà des proches du président ukrainien. Mais avec la possible implication d’Andriï Iermak, c’est le bras droit du chef de l’État qui se trouve désormais dans la tourmente. Iermak est en effet bien plus qu’un simple directeur de cabinet.
Ancien producteur de cinéma et juriste spécialisé en propriété intellectuelle, cet homme est un ami de longue date de Volodymyr Zelensky puisque leur relation remonte au temps où le chef de l’État était un humoriste populaire. Selon des médias ukrainiens, les lits des deux hommes se trouvent même côte à côte dans le bunker souterrain de la présidence.
Parfois qualifié de « vice-président », Andriï Iermak a aussi réussi à faire de l’ombre au ministre des Affaires étrangères puisqu’il a mené plusieurs fois les négociations de règlement du conflit avec les États-Unis, que ce soit à Washington ou à Genève le week-end dernier. Une influence sur Volodymyr Zelensky et sa politique pas forcément vue d’un bon oeil jusque dans le camp présidentiel. « C’est comme de l’hypnose », estimait une source haut placée au sein du parti présidentiel ce mois-ci auprès de l’AFP.
D’après un député de l’opposition, Andriï Iermak figurerait sur les enregistrements audio des conversations obtenus dans le cadre de l’opération « Midas ». Les suspects évoqueraient un certain « Ali Baba » – nom reprenant les premières lettres du prénom et du patronyme de Iermak, Andriï Borysovitch. Ils feraient également référence à des pressions exercés par Iermak sur les structures anticorruption ukrainiennes.
• La présidence affaiblie
Pour Volodymyr Zelensky, l’affaire de corruption est plus qu’une simple épine dans le pied. D’abord parce qu’elle touche le secteur énergétique, qui est l’une des cibles privilégiées par l’armée russe depuis le début de l’invasion du pays en février 2022. Et en période hivernale, mes installations énergétiques sont encore plus sujets aux offensives de Moscou.
Sur le plan politique, le président ukrainien doit désormais se trouver un nouveau chef de cabinet. Dans sa vidéo, il a annoncé qu’il se lancerait en quête d’un successeur dès samedi avec une série d’entretiens.
En attendant, ce sont le chef de l’état-major général, des représentants du ministère des Affaires étrangères, le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense et les services de renseignement ukrainiens qui seront chargés de poursuivre les négociations avec l’administration de Donald Trump.
« Lorsque nous sommes tous confrontés à un tel défi extérieur – la guerre – nous devons être forts à l’intérieur », a martelé Volodymyr Zelensky. « 100% de nos forces seront concentrées sur la défense de l’Ukraine. Chacun doit désormais agir de la sorte dans l’intérêt de notre État et défendre notre État. »
Article original publié sur BFMTV.com











