INTERNATIONAL – Le sort de Gaza et des otages se joue actuellement en Égypte, deux ans jour par jour après l’attaque terroriste du 7-Octobre 2023. Ce jour-là, 1 219 personnes ont été tuées et 251 personnes ont été enlevées par le Hamas. Depuis, l’armée israélienne a fait au moins 67 139 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les chiffres du ministère de la Santé du Hamas, considérés comme fiables par l’ONU.
La rencontre entre les délégations d’Israël et du Hamas à Charm el-Cheikh fait renaître l’espoir de trouver une issue à l’effusion de sang au Proche-Orient. Le mouvement islamiste s’est dit prêt à libérer les otages, 47 sont toujours retenus à Gaza, dont 25 seraient morts, mais demande de négocier d’autres points. La première série de pourparlers s’est achevée dans une « atmosphère positive », selon un média d’État égyptien qui a évoqué une poursuite des discussions ce mardi 7 octobre.
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Pourquoi un tel revirement de l’organisation terroriste que Benjamin Netanyahu promettait d’éradiquer ? Pour répondre, Le HuffPost s’est entretenu avec Hugh Lovatt, chercheur sur le Moyen-Orient et Afrique du Nord au Conseil européen des relations étrangères, un think tank basé à Berlin.
Israël promettait d’éradiquer le Hamas après le 7-Octobre mais négocie aujourd’hui avec lui. Ce paradoxe est-il la preuve que le mouvement islamiste est toujours puissant ?
Hugh Lovatt. Il y a un paradoxe, en effet, parce que si le Hamas était totalement détruit, il n’y aurait pas besoin de rechercher son accord et de vouloir le démilitariser. En dépit de ce que Donald Trump dit, en menaçant le Hamas d’une destruction totale s’il n’accepte pas le plan, on voit sur le terrain que le Hamas est bien endommagé mais reste résilient ; il maintient sa capacité à se mobiliser et à imposer son veto sur tout accord. Le mouvement est très clairement affaibli donc même si ses lignes rouges restent plus ou moins les mêmes, il y a plus de flexibilité pour accéder à certaines conditions.
« Deux ans après, le Hamas ne pourrait plus répéter une attaque comme le 7-Octobre. »
D’où son ouverture à la négociation ?
Parce qu’il est très affaibli, le mouvement a besoin de mettre fin à la guerre. Cela s’explique par plusieurs pressions qui s’exercent sur lui : celle de la population gazaouie, une autre venant des courants plus modérés au sein du mouvement, mais aussi celle exercée par les pays arabes qui ont développé leurs propres propositions pour un plan commun.
Je pense que si le Hamas a accepté, c’est un, en vertu de ces pressions, deux, parce que les derniers otages risquent de mourir et qu’il veut utiliser cette carte avant de perdre ce levier, et trois, qu’il n’y aura probablement pas de meilleur plan et donc il faut faire.
Mais la Hamas a-t-il encore la capacité, notamment militaire, pour influencer le rapport de force ?
On sait que le Hamas continue à mener une guerre de guérilla contre les forces israéliennes. Donc il a toujours sur le terrain la capacité à s’organiser à ce niveau « tactique ». Mais ses capacités militaires ont été fortement détruites. Il ne pourrait pas répéter une attaque de l’ampleur de celle du 7-Octobre. Déjà, ils ont perdu l’élément de surprise, mais aussi les tunnels vers la frontière israélienne ont été probablement détruits, tout comme leur matériel, et leur stock de roquettes, lui aussi très largement épuisé.
EYAD BABA / AFP Des combattants des brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, dans le centre de la bande de Gaza le 7 février 2025, lors d’une cérémonie funéraire de Marwan Issa, un haut commandant du Hamas tué en mars 2024. (Photo par Eyad BABA / AFP)
La question du nombre de membres du Hamas fait l’objet de spéculations. Combien sont-ils ?
Il est difficile de connaître leur nombre exact, car cela fait l’objet de propagande, aussi bien du côté du Hamas que du côté israélien. Mais en recoupant plusieurs informations, on a un ordre de grandeur. En se concentrant sur les combattants, on estime qu’ils étaient auparavant autour de 20 000. Et je dirais que le mouvement a perdu entre 7 000 et 10 000 membres. Donc le Hamas est très loin d’être éradiqué.
« La question est moins de savoir si le Hamas va survivre que de savoir comment il va se régénérer. »
Mais l’armée israélienne a pourtant éliminé de nombreuses « têtes pensantes »…
Effectivement, on peut regarder cela d’un point de vue quantitatif ou qualitatif. Sur le quantitatif, le mouvement est dégradé mais loin d’être anéanti grâce, en plus, aux recrutements qu’il parvient à opérer. Mais du point de vue qualitatif, la donne change. Oui, le Hamas peut remplacer ses membres, mais peut-il identifier et recruter des membres, et surtout des hauts dirigeants, avec le même niveau ? Sur ce point, le mouvement a beaucoup plus de mal.
Il reste des hauts dirigeants avec de l’expertise et des capacités organisationnelles. Mais beaucoup, que ce soit côté militaire ou côté politique, sont plus jeunes et plus inexpérimentés. Les leaders avec le plus de charisme et le plus d’influence sur le groupe ont été tués, comme Yahya Sinouar, membre de l’aile dure du mouvement, ou Ismaïl Haniyeh, qui était beaucoup plus modéré et pragmatique. Donc clairement, leur perte influence le rapport de force au sein du mouvement lui-même.
Peut-on dire que la survie du mouvement est ce qui se joue actuellement ?
La question est moins de savoir si le Hamas va survivre que de savoir comment il va se régénérer. Le Hamas dans sa nature est avant tout un mouvement social et politique, né et fortement ancré à Gaza. La majorité des habitants de Gaza ne le soutient pas, mais c’est un mouvement conservateur islamiste et une section de la population palestinienne le sera toujours, donc il y aura une demande pour un mouvement ou un parti qui les représente. Et donc, à moins de détruire toute la population, chose qu’Israël a l’air de vouloir faire, le Hamas ne va pas disparaître.
Donc la question, c’est quelle est la forme qu’il va prendre à l’avenir ? Est-ce un Hamas beaucoup plus radicalisé à cause de la perte de ses membres les plus modérés ? Ou est-ce un Hamas davantage poussé vers l’inclusion au sein de la politique palestinienne ? Et peut-être aussi potentiellement un Hamas qui va renoncer au moins à ses armes lourdes, quelque chose que l’aile modérée a déjà suggéré dans ses entretiens avec les dirigeants de l’administration Trump. Donc vraiment, tout doit encore se jouer pour définir la nature du parti Hamas.
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