Les astronomes viennent de mettre en évidence un objet céleste fascinant, une planète errante baptisée Cha 1107−7626, située à 620 années-lumière de la Terre, qui croît à un rythme vertigineux. Selon une étude internationale menée à l’aide du Très Grand Télescope de l’Observatoire européen austral (ESO) et du télescope spatial James Webb, cette planète avale actuellement près de six milliards de tonnes de matière par seconde, un record absolu pour un objet de sa catégorie.
Les planètes vagabondes sont des objets de masse planétaire qui errent librement dans l’espace, sans orbiter autour d’une étoile. Longtemps hypothétiques, elles commencent à être mieux documentées depuis leur première observation en 2000. Les estimations actuelles suggèrent qu’elles pourraient être plus nombreuses que les étoiles elles-mêmes dans la Voie lactée, avec jusqu’à vingt fois plus de planètes errantes que d’astres brillants.
Cha 1107−7626 pèse pour l’instant entre cinq et dix fois la masse de Jupiter, trop peu pour être classée comme une naine brune –ces objets intermédiaires compris entre 13 et 80 masses joviennes. Mais son appétit insatiable pourrait changer la donne: les chercheurs ont observé en 2025 deux flambées d’accrétion massives, en avril-mai puis en juin-août, au cours desquelles l’astre a brusquement gagné en luminosité, révélant une explosion de son rythme d’absorption de matière.
Un cas inédit
Ces «sursauts» font écho à des phénomènes de brusques phases de croissance bien connus chez les jeunes étoiles. La plupart des astres de faible masse construisent une partie significative de leur masse totale lors de tels épisodes. Mais Cha 1107−7626 est le premier objet substellaire dont on observe un comportement de ce type, brouillant encore davantage la frontière entre planète et étoile en formation.
«L’origine des planètes errantes reste une énigme, souligne le professeur Aleks Scholz, co-auteur de l’étude. Sont-elles les plus petites étoiles formées de manière classique, ou des géantes gazeuses éjectées violemment de leur système natal?» Les observations des phases de croissance de Cha 1107−7626 apportent de précieux indices pour répondre à cette question.
L’étude, publiée dans The Astrophysical Journal Letters, révèle que ces épisodes d’accrétion peuvent être réguliers et puissants. Les chercheurs avancent même que cette planète vagabonde pourrait connaître de manière récurrente de tels sursauts, une hypothèse inédite pour ce type d’objet. «Cette découverte brouille la ligne entre étoiles et planètes et nous offre un aperçu rare des stades les plus précoces de formation des planètes errantes», résume de son côté l’astronome Belinda Damian, également co-autrice de l’étude.
Au-delà de la fascination pour la voracité de Cha 1107−7626, ce genre de découvertes nourrit une question plus vaste sur la dynamique des mondes sans soleil. Comment se forment-ils? Comment évoluent-ils? Et surtout, si des milliards d’entre eux errent anonymement à travers notre galaxie, peuvent-ils abriter un jour des environnements complexes, voire habitables?











