Le coup est brusquement parti, comme si l’abcès qui se formait depuis plusieurs semaines devait nécessairement crever. A l’occasion du congrès interrégional de son parti Horizons, dimanche 16 mars à Lille, l’ancien premier ministre Edouard Philippe a attaqué l’actuel occupant de Matignon, François Bayrou, en lui reprochant explicitement de louvoyer au lieu de réformer.
La charge a été menée en deux temps : dans une interview au Figaro, samedi 15 mars, le maire du Havre (Seine-Maritime) a jugé « complètement hors-sol » le conclave sur les retraites lancé par l’actuel premier ministre, en s’étonnant que l’on puisse songer à revenir sur une réforme déjà votée alors que le moment exige de nouveaux efforts. Le lendemain, devant ses troupes, Edouard Philippe s’est promis de « redonner vie à la puissance française » à l’occasion de l’élection présidentielle de 2027, qu’il conçoit comme le rendez-vous du vrai changement.
Les deux hommes ne s’apprécient guère, c’est de notoriété publique. François Bayrou a participé à la victoire électorale d’Emmanuel Macron en 2017 en associant le MoDem à un projet d’émancipation construit sur le dépassement du clivage gauche-droite. Edouard Philippe, venu des rangs du parti Les Républicains (LR), a profité de cette victoire pour devenir le premier chef du gouvernement du premier quinquennat Macron, sans jamais renier qu’il venait de la droite.
De cette nuance a découlé toute une gamme de frottements entre le centriste soucieux de défendre sa part d’héritage et le juppéiste droit dans ses bottes, dès lors qu’il s’agissait de conduire le changement. Entre eux, tout s’est crispé durant l’hiver 2018, lorsque le pays est entré en révolte contre la taxe carbone et que le mouvement des « gilets jaunes » a fait vaciller le pouvoir.
Dans le prolongement du macronisme
Leur joute actuelle prolonge le différend en même temps qu’il le réactualise dans une parfaite inversion des rôles, car l’un est devenu premier ministre tandis que l’autre, à l’écart du pouvoir national, cultive sa différence. Le sujet qu’ils exposent sur la place publique est d’une brûlante actualité : comment faire bouger un pays fracturé dans une situation qui ne lui laisse désormais plus d’échappatoire ?
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