POLITIQUE – Ne cherchez pas le mot « immigration » dans la loi spéciale pour Mayotte. Alors qu’après le passage du cyclone Chido, de façon contre-intuitive et polémique, le sujet de la lutte contre l’immigration illégale a été imposé dans le débat public par divers responsables politiques – y compris des membres du gouvernement –, le texte d’urgence présenté ce mercredi 8 janvier en Conseil des ministres n’en fait pas mention, pour plusieurs raisons.
Abrogation du droit du sol à Mayotte : le gouvernement en pleine cacophonie
La loiest conçue « pour écraser les procédures, pour faire que les normes soient plus simples pour aider à la reconstruction », avec « des éléments sur le foncier, sur l’urbanisme » , a détaillé le ministre des Outre-mer Manuel Valls sur BFMTV à la veille de la présentation du texte. « La priorité, c’est la reconstruction des maisons des Mahorais », ajoute-t-il.
Selon Le Monde, le projet de loi comporte en tout une vingtaine d’articles, dont beaucoup consacrés à l’habitat. On y trouve par exemple des mesures dérogatoires au code de l’urbanisme pour « les constructions à usage d’hébergement d’urgence » édifiées après le cyclone et sur une période de deux ans. Idem pour les réparations des habitats détruits, à condition qu’ils aient été « régulièrement édifiés » – une façon de limiter la reconstruction des bidonvilles, un des souhaits du gouvernement. La loi transfère aussi, de façon temporaire, des compétences de la collectivité à l’État, notamment dans le domaine du foncier.
Le droit du sol, obligatoirement constitutionnel
Quid de l’immigration ? Arrivé dans l’archipel au lendemain du passage du cyclone, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau avait choqué en appelant à « légiférer » sur la question « migratoire ». Ce, alors même que le nombre de victimes, même provisoire, était à peine estimé. Par la suite, le sujet n’a fait que monter. Le 30 décembre, le Premier ministre François Bayrou a estimé qu’il fallait se « poser la question » de l’immigration illégale. Le 5 janvier, les ministres de l’Intérieur, des Armées et des Outre-mer publient une tribune dans Le Figaro pour appeler à « la fermeté migratoire », sans laquelle « nous reconstruirons Mayotte sur du sable ». Marine Le Pen, en déplacement dans l’archipel au même moment, joue sur le même registre.
La cheffe de file du groupe RN à l’Assemblée nationale a promis le 7 janvier à des collectifs de citoyens que ses troupes déposeront des amendements à la loi « d’urgence » pour la « suppression du droit du sol » et « l’arrêt des régularisations ». Problème : de telles modifications ont toutes les chances d’être retoqués. Car le droit du sol est encadré par la Constitution, et seule une réforme constitutionnelle pourrait permettre un changement.
La loi « Mayotte debout » pour « reconstruire » mais pas seulement
Alors qu’il occupait la place Beauvau, Gérald Darmanin avait promis un « changement constitutionnel » sans qu’il soit jamais concrétisé, du fait de la dissolution puis des remaniements ministériels successifs. L’idée a été reprise par son successeur Bruno Retailleau. Manuel Valls, qui avant son entrée au gouvernement s’opposait à la suppression de ce droit, esquive désormais. « Le droit du sol est une réforme constitutionnelle. Il ne m’appartient pas de la lancer, elle ne peut être initiée que par le Parlement ou le président de la République », a-t-il déclaré sur BFMTV.
Pour autant, le ministre entend bien profiter des projets de loi à venir pour lutter contre « l’immigration irrégulière », un des deux « maux majeurs [dont] Mayotte crève », avec « l’habitat illégal ». Mais dans un second temps et un second texte de loi baptisé « Mayotte debout ».
Cette « loi-programme » a été annoncée par François Bayrou pour reconstruire Mayotte sur le long terme. Elle comportera des volets de développement économique, éducatif, mais aussi sécuritaire et migratoire a fait savoir Manuel Valls. Il a notamment évoqué la lutte contre la « reconnaissance frauduleuse de paternité » et « la durée de résidence régulière » nécessaire aux parents pour que leurs enfants obtiennent la nationalité française – à ce jour, elle doit être de plus trois mois au moment de la naissance de l’enfant. « Sur ces critères-là, nous pouvons agir assez vite », indique Manuel Valls. Cette deuxième loi devrait être présentée en mars, a-t-il précisé. Une façon de prendre date pour des débats houleux.
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