Dans le centre de Tirana, l’ancien siège de la Guilde des écrivains et des artistes albanais est devenu un lieu surprotégé. Depuis 2017, ce joli bâtiment datant de la colonisation italienne abrite la plus grande et la plus sensible des opérations anticorruption jamais menée en Albanie. « Ce processus d’une ampleur historique a permis de nous rapprocher de l’Union européenne [UE] », célèbre Roland Ilia, président de la Commission indépendante de qualification.
Cet organisme s’apprête à fermer ses portes fin décembre après avoir analysé le profil et le patrimoine personnel de tous les magistrats de ce petit pays des Balkans réputé jusqu’ici pour l’ampleur de sa corruption et de son crime organisé. Au cours de leurs sept années de travail, M. Ilia et ses onze commissaires ont décidé de révoquer la moitié des 800 magistrats albanais, souvent parce qu’ils étaient incapables d’expliquer l’origine de leur patrimoine. « Personne ne s’attendait à un tel résultat, cela a été un bouleversement pour le monde judiciaire », reconnaît ce professeur de droit.
Instauré sous la pression de l’UE et des Etats-Unis, ce processus unique au monde dit de vetting (« évaluation ») a purgé en profondeur la magistrature de ses éléments les plus corrompus, sous la supervision d’un comité d’experts étrangers autorisés à faire appel ou à donner leur avis sur chaque dossier. Particulièrement intrusif, le vetting fut un grand déballage sur l’enrichissement douteux de nombreux magistrats albanais.
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