Une lettre en guise de câlinothérapie. Depuis sa nomination à Matignon, François Bayrou s’attelle à donner des gages à la droite qu’il veut à ses côtés au gouvernement pour avoir une chance d’éviter la censure à l’Assemblée nationale. Après de nombreux échanges avec Laurent Wauquiez, le président des députés LR, le Premier ministre s’est fendu d’un courrier qu’a pu se procurer BFMTV.
Le locataire de Matignon y salue « leur volonté de participer » à « l’œuvre de redressement » du pays et insiste pour ce faire sur trois points.
Piocher dans les travaux du Sénat
Parmi ceux-ci, on trouve notamment « l’autorité de l’État » avec des « initiatives parlementaires prises dans ce domaine » qui « méritent une grande attention ». Avec ces formulations aux contours nébuleux, François Bayrou fait référence à des propositions de lois sénatoriales à majorité LR en matière migratoire.
Parmi celles-ci, on compte notamment l’allongement de la durée de rétention administrative pour les personnes sans-papiers, cheval de bataille du ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau.
Même topo pour le retour du délit de séjour irrégulier qui avait été voté par le Sénat à l’hiver dernier dans la loi immigration avant d’être retoquée par le Conseil constitutionnel.
On trouve également « le redressement » des « finances publiques » qui « passe d’abord par des économies ». De quoi laisser entendre aux LR que le futur budget 2025, premier chantier brûlant de François Bayrou, ne devrait pas comporter de hausses d’impôts. Michel Barnier avait avancé sur la question d’une taxation exceptionnelle pour les très hauts revenus qui avait fait tousser dans son propre camp.
Fin du « flou »?
Cet échange épistolaire va-t-il suffire à convaincre la droite et ses 47 députés de soutenir François Bayrou à l’Assemblée ? Le centriste y met en tout cas les formes. Après plusieurs rendez-vous avec Laurent Wauquiez qui s’était inquiété devant ses troupes du « flou » du programme du locataire de Matignon, le chef du gouvernement l’a à nouveau reçu samedi soir.
L’occasion pour le Premier ministre de leur promettre des engagements par écrit sur les quatre dossiers chauds pour la droite, entre « réduction de la dépense publique », « régulation de l’immigration », « revalorisation du travail » et « grande loi d’orientation agricole », d’après des informations de BFMTV.
Problème: le courrier de François Bayrou contient peu de mesures concrètes. Nulle trace par exemple d’une future loi sur l’agriculture, quelques semaines à peine après des mobilisations d’agriculteurs ou d’une revalorisation salariale qui passerait notamment par une baisse des cotisations patronales, l’une des marottes de la droite.
Retailleau maintenu
Avant même la lecture de ce courrier, Laurent Wauquiez a déjà fait savoir qu’il avait « décliné » la proposition de François Bayrou de devenir ministre. Bruno Retailleau, actuellement en poste à l’Intérieur, devrait cependant bien être maintenu place Beauvau, comme l’a déjà annoncé le Premier ministre jeudi soir sur France 2.
Le contexte ne devrait cependant pas empêcher le maintien de ministres de droite au gouvernement, bien au-delà du ministère de l’Intérieur. Et pour cause: François Bayrou n’a pour l’instant engrangé comme soutiens que la droite et la macronie, malgré ses appels du pied aux socialistes.
« Garder les mains propres »
Quant aux LR, 12 ans après la défaite de Nicolas Sarkozy en 2012, ils ont retrouvé avec gourmandise les allées ministérielles et ne comptent pas y renoncer après seulement trois petits mois.
« Je ne vois pas comment LR ne pourrait pas rester au gouvernement si Retailleau est maintenu à son poste. Et si Bayrou est censuré très vite, Wauquiez pourra dire qu’il n’était pas très partant dès le départ pour y participer », décryptait un député Modem auprès de BFMTV.com dès la semaine dernière.
De quoi permettre au président des députés LR de garder ses distances avec le centriste et de « garder les mains propres » comme le résume l’un de ses lieutenants. Une cartouche toujours utile en cas de prochaine dissolution ou de présidentielle anticipée.
Article original publié sur BFMTV.com