Si vous avez aimé la première saison de Squid Game, vous avez dû patienter trois ans, trois mois et onze jours pour voir la suite de la série sud-coréenne, diffusée à partir du 26 décembre sur Netflix. De même, si vous êtes fan de The White Lotus, vous allez encore devoir attendre un peu, puisque la série sur l’univers de l’hôtellerie de luxe est annoncée pour le 16 février, soit deux ans, deux mois et huit jours après la seconde saison.
Doit-on attendre toujours plus longtemps la suite de nos séries préférées ? Pour le savoir, nous avons récupéré les données de plus de 9 300 séries, diffusées dans le monde entier depuis les années 1960, comptant au minimum deux saisons (pour un total de 37 000 saisons cumulées depuis le site spécialisé TVMaze). Et le constat est implacable : oui, le temps écoulé entre deux saisons a bel et bien augmenté.
Si, jusque dans les années 2010, la norme était d’attendre moins d’un an entre deux saisons d’une série, à partir du début des années 2020, cet intervalle dépassait une année pour plus de la moitié des séries analysées.
L’analyse de notre large échantillon montre que l’attente est passée d’un an et deux mois en moyenne au début des années 1990 à un an, six mois et dix jours en 2024.
Benjamin Campion, enseignant en cinéma et en audiovisuel à l’université de Lille, n’est pas surpris par cette tendance, même s’il estime que « dans ces proportions-là, c’est frappant ». Selon ce spécialiste des séries, l’attente avait déjà tendance à augmenter, mais elle s’est accentuée « avec le Covid-19 et la grève des scénaristes américains » (qui se sont mobilisés pendant cinq mois en 2023 pour encadrer l’usage de l’intelligence artificielle), qui « ont eu tous les deux des conséquences très fortes » en termes de retard de production. C’est d’ailleurs « surtout une tendance américaine », même si on peut le ressentir sur certaines productions hexagonales ambitieuses comme Hippocrate : la troisième saison de la série médicale, diffusée en novembre, était « un retour post-Covid » après plus de trois ans et sept mois d’attente – le réalisateur, Thomas Lilti, ayant réalisé entre-temps un long-métrage.
Annulations ou renouvellements « forcés »
L’allongement du délai entre les saisons s’explique aussi par une forme de « blockbusterisation » de certaines séries, « qui en viennent à des niveaux de production équivalant voire dépassant ceux du cinéma », à l’image de House of the Dragon ou du Seigneur des anneaux : Les Anneaux de pouvoir. Deux séries qui mettent « énormément de temps à revenir parce que la durée du tournage est très étendue », sans parler des « phases de postproduction qui peuvent dépasser une année », relève Benjamin Campion.
Enfin, il existe une méthode de renouvellement des saisons propre aux plateformes en ligne : elle consiste à diffuser tous les épisodes d’une série d’un coup, et à attendre pour consulter les données précises de visionnage (la série a-t-elle été regardée en entier, y a-t-il un taux d’abandon lié à un épisode en particulier, etc.). Avec ces informations, « on annule de plus en plus et de plus en plus vite des séries, notamment sur Netflix, qui est vraiment devenu le pavillon témoin de ce phénomène », où rares sont les feuilletons qui perdurent au-delà de deux ou trois saisons.
A l’inverse, certaines séries comme Squid Game, succès mondial inattendu avec 330 millions de téléspectateurs qui avait été pensée au départ pour une seule saison, sont littéralement « renouvelées de force ». Résultat, « il faut relancer toute la machine, imaginer une suite », ce qui rallonge encore un peu plus les délais.
Des séries réglées comme du papier à musique
D’autres séries font, à l’inverse, figure de véritables métronomes. Les petits hommes jaunes de Springfield, Les Simpson, en font partie : il faut attendre en moyenne quatre mois et une semaine entre chacune des 36 saisons diffusées sur Fox jusqu’en 2020, puis sur Disney, sans altérer cette régularité.
Le Monde
Soutenez une rédaction de 550 journalistes
Accédez à tous nos contenus en illimité à partir de 7,99 €/mois pendant 1 an.
S’abonner
De même pour la série pétrolière Dallas, qui en 14 saisons n’aura pas dépassé une attente de sept mois et trois semaines, pour une moyenne de cinq mois et six jours. Nous aurions aussi pu citer les 19 saisons de la série policière Navarro, mais vous avez compris le principe.