Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné dans l’affaire des écoutes, mercredi 18 décembre, après le rejet de son pourvoi par la Cour de cassation. Cette échéance judiciaire n’était pas la dernière pour M. Sarkozy, puisqu’il sera jugé à partir du 6 janvier 2025 dans le cadre des soupçons de financement libyen de sa campagne de 2007. Il est également mis en examen depuis octobre 2023 dans le cadre de l’enquête sur la rétractation de l’intermédiaire Ziad Takieddine. Ces dernières années, l’ex-homme fort de la droite a été cité à divers titres dans plusieurs affaires politico-financières.
Affaire des écoutes (Azibert-Bismuth)
Définitivement condamné : trois ans de prison, dont un ferme
Il s’agit de la première condamnation définitive pour Nicolas Sarkozy. La Cour de cassation a rejeté le 18 décembre 2024 le pourvoi de l’ancien président dans l’affaire des écoutes. La peine prononcée en première instance en 2021 et en appel en 2023 est donc confirmée : trois ans de prison, dont un an ferme à purger sous bracelet électronique, pour corruption et trafic d’influence. Il écope également d’une interdiction des droits civiques de trois ans, ce qui le rend inéligible. M. Sarkozy devrait maintenant être rapidement convoqué devant un juge d’application des peines qui fixera les modalités de sa peine. Son avocat a annoncé saisir la Cour européenne des droits de l’homme pour contester cette condamnation.
La justice l’a reconnu coupable d’avoir tenté d’obtenir d’un magistrat à la Cour de cassation, Gilbert Azibert, des informations secrètes issues d’une autre affaire le concernant (le dossier Bettencourt). En échange, Nicolas Sarkozy aurait promis d’intervenir en faveur du magistrat pour qu’il obtienne un poste de prestige à Monaco. L’accusation s’était fondée sur des écoutes téléphoniques de conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat, Thierry Herzog, sur une ligne officieuse – deux téléphones prépayés achetés sous le nom de « Paul Bismuth ».
Les trois hommes ont écopé de la même peine, avec pour l’avocat Thierry Herzog une interdiction de porter la robe noire pendant trois ans. Clamant leur innocence depuis l’origine, ils avaient formé des pourvois en cassation en 2023, suspendant leur peine jusqu’à ce que la Cour de cassation rejette finalement leur demande en cette fin 2024.
Soupçons de financement libyen en 2007
Procès à partir du 6 janvier 2025
Nicolas Sarkozy est soupçonné d’avoir financé une partie de sa campagne présidentielle de 2007 grâce à des fonds venus du régime de l’ancien dictateur libyen, Mouammar Kadhafi.
Au terme de dix ans d’enquête, deux magistrates financières ont signé son renvoi devant le tribunal correctionnel de Paris, où il sera jugé du 6 janvier au 10 avril 2025 pour « recel de détournement de fonds publics », « corruption passive », « financement illégal de campagne électorale » et « association de malfaiteurs ». L’ancien président, âgé de 69 ans, encourt dix ans de prison et 375 000 euros d’amende. Le tribunal peut aussi prononcer jusqu’à cinq ans d’inéligibilité.
Douze autres personnes comparaîtront aux côtés de l’ex-chef de l’Etat, parmi lesquelles trois anciens ministres – Claude Guéant, Brice Hortefeux et Eric Woerth (également ex-trésorier de la campagne présidentielle) – et deux hommes d’affaires : le Franco-Libanais Ziad Takieddine, en fuite au Liban, et le Franco-Algérien Alexandre Djouhri, soupçonnés d’avoir servi d’intermédiaires.
« Il n’y a jamais eu ni de près ni de loin, ni en liquide ni en virement, le moindre centime libyen pour financer ma campagne », s’était défendu Nicolas Sarkozy lors de son audition devant les juges, en octobre 2020. Le 10 mai 2023, le Parquet national financier avait demandé le renvoi de l’ancien chef de l’Etat devant le tribunal correctionnel, estimant que, « s’il semble manifeste que l’intégralité des fonds libyens initialement destinés [à la campagne] n’a pas été mobilisée dans ce but », « des circuits opaques de circulation de fonds libyens [ont] abouti, in fine, à des décaisses d’espèces dans une temporalité et une chronologie compatibles avec un usage occulte ».
Comptes de la campagne de 2012 (Bygmalion)
Condamné en première instance et en appel (cassation en 2025)
Cette enquête a mis à jour un système de fausses factures et de fausses conventions liant l’Union pour un mouvement populaire (UMP) et l’agence de communication Bygmalion, chargée d’organiser les meetings nombreux de la campagne éclair de M. Sarkozy en 2012, dans le but de masquer le dépassement massif du plafond légal des dépenses électorales autorisées par la loi. L’ancien président a été informé dès le 7 mars 2012, par une note d’alerte, du risque de dépassement du plafond autorisé, qu’il a ignorée et a choisi, au contraire, d’augmenter le nombre de ses meetings. « En dopant sa campagne, Nicolas Sarkozy n’a pas respecté la valeur essentielle de l’égalité entre les candidats », avaient estimé deux procureurs lors des réquisitions.
Le Monde
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En première instance, Nicolas Sarkozy avait été condamné à un an de prison ferme le 30 septembre 2021 par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir dépassé le plafond de dépenses électorales. Aux côtés de M. Sarkozy, les treize autres accusés avaient été tous reconnus coupables de « complicité de financement illégal de campagne électoral ».
En appel, M. Sarkozy a été condamné, le 14 février 2024, à une peine moins lourde d’un an d’emprisonnement, dont six mois ferme. La cour d’appel a par ailleurs ordonné « le principe de l’aménagement de la partie ferme de la peine ». Cette peine reste légèrement plus sévère que les réquisitions du ministère public, qui demandait un an d’emprisonnement avec sursis contre l’ancien chef de l’Etat pour avoir « enfreint en connaissance de cause la limitation légale des dépenses électorales ». Dans la foulée de la décision de la cour d’appel, l’ancien président s’est pourvu en cassation contre sa condamnation. La Cour de cassation se prononcera sur cette affaire courant 2025.
Les huit autres prévenus qui avaient fait appel ont vu leur condamnation confirmée, avec des peines allégées.
Rétractation de Ziad Takieddine
Mis en examen
En novembre 2020, BFM-TV et Paris Match publient des déclarations de Ziad Takieddine : l’intermédiaire libanais revient sur ses déclarations faites aux juges entre 2013 et 2020 selon lesquelles il aurait remis à Nicolas Sarkozy, ainsi qu’à ses proches, 5 millions d’euros d’argent libyen, afin de financer sa campagne présidentielle de 2007. Le 6 avril 2021, Mediapart révèle que ce changement serait « [lié] à des promesses financières venues d’intermédiaires proches des réseaux sarkozystes [M. Takieddine étant dans une situation précaire à la suite de la saisie de ses avoirs], mais aussi à un climat de menaces entretenues autour de lui ». Le Parquet national financier (PNF) ouvre une enquête préliminaire pour « subornation de témoin », puis demande l’ouverture d’une information judiciaire.
Dans cette affaire, Nicolas Sarkozy est mis en examen en octobre 2023 et Carla Bruni-Sarkozy le 9 juillet 2024 pour « recel de subornation de témoin » et « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’escroqueries au jugement en bande organisée », en plus de neuf autres personnes dont une figure de la presse people, Michèle Marchand (dite « Mimi »), soupçonnée d’avoir orchestré la rétractation.
Plus tôt, en octobre 2023, l’ancien chef de l’Etat a été mis en examen pour « recel de subornation de témoin » et « participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée ». Il a également été placé sous le statut de témoin assisté pour « participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction de corruption active de personnel judiciaire étranger » au Liban.
Le « Qatargate »
Plainte déposée contre M. Sarkozy
Dans le cadre de l’attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, M. Sarkozy est un des principaux protagonistes de l’information judiciaire ouverte par le Parquet national financier en 2019 pour « corruption ». Dans le volet parisien de ce « Qatargate », le PNF explore la piste d’un pacte corruptif conclu le 23 novembre 2010 lors d’un déjeuner organisé à l’Elysée par Nicolas Sarkozy, alors président de la République, où était convié Michel Platini. L’ancien footballeur, président de l’UEFA a, une semaine plus tard, apporté son suffrage au Qatar dans l’attribution de la Coupe du monde 2022.
Dans cette affaire, l’association Anticor a déposé plainte en avril 2023 contre M. Sarkozy pour « trafic d’influence » et « corruption d’un agent public étranger ». L’association de lutte contre la corruption s’intéresse à un précontrat de deux millions d’euros dont a en partie bénéficié, en 2011-2012, un ex-ami de M. Sarkozy, le publicitaire François de La Brosse. M. de la Brosse n’avait ni facturé ni déclaré des prestations fournies pour la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy, ainsi que des travaux effectués comme conseiller à l’Elysée.
L’affaire Lagardère-Qatar
Sous enquête préliminaire
Les liens bien connus entre Nicolas Sarkozy et le Qatar transparaissent un peu plus dans l’information judiciaire qui vaut à Arnaud Lagardère, un très proche de l’ancien président, d’être mis en examen. En 2018, M. Lagardère est soupçonné d’avoir obtenu le vote de Qatar Holding LLC, filiale du fonds souverain Qatar Investment Authority (QIA) et alors principal actionnaire de son groupe, en faveur de ses résolutions de la gérance lors de l’assemblée générale des actionnaires. En échange de ce vote, les Qataris avaient obtenu la promesse de nommer un diplomate britannico-marocain proche de Doha au conseil de surveillance de Lagardère SCA.
Des documents judiciaires, dont Le Monde a pris connaissance, révèlent que M. Sarkozy a activement assisté en coulisses l’homme d’affaires, en jouant de sa proximité avec les hiérarques de QIA, lors des négociations avec les Qataris. Plus tard en 2021, M. Sarkozy est devenu administrateur « indépendant » du groupe Lagardère et rémunéré pour cela.
Affaire russe (Reso-Garantia)
Sous enquête préliminaire
La justice s’interroge sur un virement de 500 000 euros reçu au début de 2020 par Nicolas Sarkozy, dans le cadre d’un contrat de conseil auprès du groupe russe d’assurances Reso-Garantia. Selon Mediapart, qui a révélé l’affaire au début de 2021, « la justice cherche à vérifier si l’ancien chef de l’Etat a seulement agi comme consultant, ce qui serait parfaitement légal, ou s’il se serait adonné à des activités de lobbying potentiellement délictuelles pour le compte des oligarques russes ».
Une enquête préliminaire pour « trafic d’influence » a été ouverte contre Nicolas Sarkozy par le PNF à l’été 2020. Elle est toujours en cours.
Affaire de Karachi
Hors de cause
A l’approche des élections de 1995, le gouvernement d’Edouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était ministre du budget, aurait accordé des commissions faramineuses lors de ventes d’armes au Pakistan et à l’Arabie saoudite. Une partie des sommes serait revenue par des intermédiaires pour financer la campagne présidentielle de M. Balladur, dont M. Sarkozy était porte-parole.
En février 2014, les juges chargés du volet financier de l’affaire de Karachi ont estimé nécessaire l’audition de Nicolas Sarkozy comme témoin assisté. Il a été entendu en mai 2017, afin qu’il s’explique sur l’aval qu’il a donné à ces contrats controversés.
En juin 2020, six condamnations ont été prononcées par le tribunal correctionnel dans le volet financier de l’enquête, mais un procès en appel s’est tenu en juin 2024 et la cour rendra sa décision le 21 janvier 2025. Les anciens ministres Edouard Balladur et François Léotard ont été jugés à part par la Cour de justice de la République, en 2021 : le premier a été relaxé, tandis que le deuxième était condamné à deux ans de prison avec sursis.
En marge du procès de Karachi, Nicolas Sarkozy a également été visé par une enquête pour « violation du secret de l’instruction » en raison d’un communiqué de l’Elysée de 2011 faisant état de l’avancement de la procédure judiciaire, à laquelle l’exécutif n’est pas censé se mêler. En 2023, la cour d’appel de Paris a autorisé trois magistrats à enquêter sur la question.
Bernard Tapie et l’arbitrage du Crédit lyonnais
Hors de cause (immunité)
Nicolas Sarkozy était président en 2008 lorsque l’Etat a accepté, lors d’un arbitrage, de verser 404 millions d’euros à l’homme d’affaires Bernard Tapie, en dédommagement du préjudice qu’il aurait subi lors de la vente d’Adidas en 1993.
L’arbitrage, entaché de manipulations, a été annulé par la justice en 2015, et Bernard Tapie condamné à rembourser. Christine Lagarde, qui avait donné son accord à l’arbitrage en tant que ministre de l’économie, a été condamnée en 2016 pour « négligence » par la Cour de justice de la République. Eric Woerth, alors ministre du budget, a été mis hors de cause : il a bénéficié d’un non-lieu en octobre 2022, rendu par la Cour de justice de la République.
Dans ce dossier, Nicolas Sarkozy a refusé de venir témoigner, s’abritant derrière son immunité présidentielle. Il n’a donc jamais été mis en cause, même si les juges se sont longtemps interrogés sur sa proximité avec Bernard Tapie, et le rôle qu’il aurait pu jouer dans l’arbitrage.
Sondages de l’Elysée
Hors de cause (immunité)
Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l’Elysée est soupçonné d’avoir passé plusieurs marchés de manière irrégulière pour la fourniture de sondages contractés auprès des sociétés de deux conseillers du président, Patrick Buisson et Pierre Giacometti.
En 2019, la justice a décidé de renvoyer en correctionnelle six personnes, dont deux proches de Nicolas Sarkozy. L’ancien secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant a été condamné en janvier 2022 à huit mois ferme de prison pour favoritisme, et a été remis en liberté conditionnelle un mois plus tard.
M. Sarkozy ne pouvait pas être visé par les juges, car l’affaire s’était déroulée dans le cadre de son mandat. C’est au nom de cette immunité présidentielle qu’il a refusé de se rendre à la convocation du juge, en 2016.
Affaire Bettencourt
Hors de cause (non-lieu)
Après avoir été auditionné plusieurs fois, placé sous le statut de témoin assisté, puis mis en examen pour abus de faiblesse, trafic d’influence et recel, Nicolas Sarkozy a bénéficié d’un non-lieu en 2013. Les enquêteurs n’ont pas réussi à réunir les preuves suffisantes montrant qu’il aurait profité de l’état de faiblesse de la richissime Liliane Bettencourt, héritière du groupe L’Oréal.
Pénalités des comptes de campagne
Hors de cause (non-lieu)
L’enquête ouverte pour abus de confiance visait les pénalités pour le dépassement du plafond de dépenses de la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy. Il aurait dû les payer lui-même ; or, elles ont été réglées par l’UMP. Placé sous le statut de témoin assisté, l’ancien président a finalement bénéficié d’un non-lieu en septembre 2015, comme les autres protagonistes.
Correction, le 19 février 2024 à 9 h 44 : une version antérieure de l’article indiquait à tort que François Léotard avait été relaxé par la CJR.
Mise à jour, le 18 décembre 2024 à 14 h 30 : actualisation après la décision de la Cour de cassation dans le dossier Bismuth.