DROITS DES FEMMES – Le procès qui a ému la France entière et secoué nos consciences entre dans sa phase finale. Les dizaines d’hommes qui ont commis des viols sur Gisèle Pelicot, sous emprise chimique, pendant des années, sauront bientôt la sentence qui les attend. En attendant, le débat sur la notion de consentement fait rage. Une question taraude les milieux féministes et au-delà : faut-il l’inscrire dans le droit français ?
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L’idée, si elle fait débat, semble en tout cas séduire le Premier ministre Michel Barnier. « Si cela doit faire partie d’une évolution législative, je suis ouvert pour qu’on avance sur ce sujet », a-t-il déclaré lors d’un déplacement à l’hôpital Hôtel-Dieu à Paris lundi 25 novembre. « Il faut trouver les mots et la bonne définition. Je ne ferme la porte à rien. »
Une position qui rejoint celle défendue par le ministre de la Justice Didier Migaud, qui expliquait quelques heures plus tôt sur France 2 : « cela peut avoir du sens de mettre [cette notion de consentement] dans la loi, à la condition qu’on ne renverse pas la charge de la preuve et que ça ne rende pas les choses plus difficiles pour les victimes ». Le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Emmanuel Macron lui-même s’était dit favorable à une telle évolution. Il avait d’ailleurs assuré vouloir qu’un projet de loi soit déposé sur le bureau de l’Assemblée « d’ici à la fin de l’année ». C’était sans compter sur la dissolution et la remise à plat de tous les textes.
« Un mot ambigu »
Finalement, c’est La France insoumise qui s’est saisie du sujet, mettant l’inscription du consentement dans la loi à l’ordre du jour de sa niche parlementaire ce jeudi 28 novembre. La loi actuelle « fait résulter l’absence de consentement de la violence, contrainte, menace ou surprise. Ce qui signifie que sans preuve de violence, contrainte, menace ou surprise, le consentement est présumé », avait exposé en conférence de presse la députée LFI de Paris Sarah Legrain. « Cette définition actuelle me semble en décalage avec ce que nous savons des violences sexuelles. »
Une unanimité rare entre les insoumis et le gouvernement, qui masque mal les débats traversant la gauche et les milieux féministes. La députée ex-LFI Clémentine Autain a exposé en longueur son point de vue dans une note de blog et révèle qu’elle votera contre le texte déposé par sa collègue Sarah Legrain, bien qu’elle « partage » avec elle « le combat contre les violences faites aux femmes ». Cette mesure « est une fausse bonne idée », tranche Clémentine Autain.
« Le consentement est un mot ambigu. Il a trait à l’attitude de la victime et non de l’agresseur. Un violeur peut, par sa position dominante – de genre, financière, professionnelle, familiale, physique, etc. – obtenir le consentement d’une victime. Cette dernière aura pesé le pour et le contre, et préféré subir que de refuser. Car les viols sont majoritairement commis dans un contexte d’inégalité et de dépendance. Il est donc facile d’extorquer un consentement », écrit Clémentine Autain. Tout en estimant qu’au regard des retours peu concluants obtenus à l’international, une telle mesure aurait même des effets contreproductifs : au Royaume-Uni, rappelle-t-elle, « le nombre de condamnations pour viol a presque été divisé par deux » depuis l’inscription du consentement dans la loi.
« La charge de la preuve »
En 2022, un rapport d’Amnesty International en Belgique pointait les risques de faire reposer tout une accusation sur la notion de consentement : « la victime sur qui repose la charge de la preuve, et qui doit donc prouver qu’elle n’a pas consenti, peut faire face à des commentaires tels que : “si elle est montée dans sa chambre, c’est qu’elle était consentante” ; “si elle s’est habillée ainsi, c’est qu’elle avait envie et donc qu’elle était consentante” ; “si elle n’a pas dit non, c’est qu’elle était consentante” »…
À l’Assemblée nationale, une mission d’information sur la définition légale du viol a vu le jour il y a un an. Elle n’a pas encore rendu ses conclusions mais a déjà auditionné de nombreuses associations, collectifs féministes et acteurs de la lutte contre les violences sexuelles. Le Syndicat de la magistrature, reçu en février, avait reconnu que l’introduction de la notion de consentement dans la loi constitue « une question délicate ».
Le consentement est « difficile à définir » et « laisse une place importante à la subjectivité de la personne qui l’interprète », pointent les magistrats. Plutôt que de s’écharper autour d’une notion qui fait débat, Clémentine Autain propose plutôt de « dégager plusieurs milliards pour investir dans la prévention, la formation, le fonctionnement de la justice, l’accompagnement des victimes… Là est le cœur du combat. »
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