Une conséquence inattendue de l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis est le retour dans le débat public d’une vieille mesure de santé publique américaine : la fluoration de l’eau. Robert F. Kennedy Jr, appelé à devenir le futur secrétaire à la santé, l’équivalent du ministre de la santé en France, n’est pas seulement un antivax notoire, il est également un ferme opposant à l’ajout de fluor dans l’eau courante, affirmant que cette pratique est associée à « l’arthrite, aux fractures osseuses, au cancer des os, à la perte de quotient intellectuel [QI], aux troubles du développement neurologique et aux maladies de la thyroïde ».
Si certaines de ces allégations ne sont pas étayées scientifiquement, notamment le lien entre l’exposition au fluor et l’apparition de cancers, de plus en plus d’études scientifiques et de rapports officiels interrogent la pertinence de cette pratique toujours d’actualité dans vingt-quatre pays du monde, parmi lesquels l’Australie, le Canada et la Malaisie, mais quasi inexistante en Europe.
Lutter contre les caries
Aux Etats-Unis, 62,8 % de la population a ainsi accès à de l’eau du robinet supplémentée en fluor. La décision est prise au niveau local, en général par la municipalité, d’ajouter à l’eau des sels de fluor comme le fluorure de sodium, plus facilement soluble que le fluorure de calcium, naturellement présent dans l’environnement, ou d’autres composés comme l’acide fluorosilicique ou le fluorosilicate de sodium.
Cette pratique s’est popularisée outre-Atlantique depuis la fin de la seconde guerre mondiale afin de lutter contre les caries dentaires. Car le fluor a la particularité de se fixer sur l’émail des dents, renforçant cette barrière minérale naturelle contre les bactéries responsables des caries. De nombreuses études ont montré, depuis, son efficacité pour combattre cette infection extrêmement commune. A tel point qu’en 1999 l’agence gouvernementale américaine des Centers for Disease Control (CDC) a listé la fluoration de l’eau parmi les dix grandes réalisations de santé publique du XXe siècle aux Etats-Unis.
Mais tout est une question de dosage. Consommé en trop fortes quantités, notamment dans l’enfance, le fluor peut provoquer des taches blanches, voire brunes, sur l’émail des dents et les rendre cassantes. Il s’agit de la fluorose. A des niveaux de concentration très élevés, le fluor peut également se fixer sur les os et durcir les articulations. C’est pourquoi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a fixé à 1,5 milligramme par litre (mg/l) le seuil au-delà duquel la concentration en fluor – y compris naturelle – peut être dangereuse. Aux Etats-Unis, il était historiquement recommandé de rester dans une fourchette de 0,7 à 1,2 mg/l, jusqu’à la révision de 2015, fixant à 0,7 mg/l la « concentration optimale en fluor » pour lutter contre l’augmentation des fluoroses dans le pays.
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