Perché sur une colline accolée à la frontière avec Israël, Mhaibib, l’un des plus petits villages du djebel Amil, au Liban sud, est devenu tristement célèbre, le 16 octobre, lorsque les images du dynamitage de celui-ci ont fait le tour du monde. Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, des soldats israéliens se sont filmés exultant face à l’explosion simultanée des maisons. Mhaibib a été le premier village à subir des explosions contrôlées après le début de l’offensive terrestre israélienne, le 1er octobre. Aïta El-Chaab, Blida, Meiss El-Jabal ou encore Ramiyé : la liste des villages détruits de cette manière s’est allongée au fil de l’avancée des troupes de l’Etat hébreu, qui se sont enfoncées, par endroits, de plus de 5 kilomètres dans la bande frontalière.
Ces destructions, combinées à treize mois de bombardements aériens, en réponse aux tirs de roquettes du Hezbollah sur Israël, ont dévasté le Liban sud. Une analyse du service infographie du Monde, faite à partir de données fournies par les chercheurs Corey Scher, de l’université de New York, et Jamon Van Den Hoek, de l’université d’Etat de l’Oregon, sur la base d’observations satellites de Sentinel-1 et d’informations de Microsoft building footprint, qui cartographie les constructions du monde entier, a dénombré, au 23 novembre, 9 644 bâtiments endommagés ou détruits dans les localités frontalières, soit 38 % du total des bâtiments.
Une « offensive limitée »
Démolies aux deux tiers, Kfar Kila et Aïta El-Chaab sont les deux localités les plus affectées par la guerre. Une douzaine d’autres sont détruites à 40 %, voire à 50 %, comme Dhaïra, Odaisseh, Ramiyé, Teir Harfa ou encore Yarine. La carte des destructions se superpose à celle de l’avancée terrestre israélienne. « Avec ce que les Israéliens appellent une “offensive limitée”, on a vu des villages totalement détruits, non par des frappes aériennes, mais par des maisons piégées. Ils détruisent tout : les quartiers anciens comme nouveaux, les maisons de plus de 200 ans comme celles d’à peine 5 ans, des sites touristiques et religieux, des mausolées et des cimetières », déplore Hussein Chaabane, journaliste d’investigation au sein de l’ONG de défense juridique libanaise Legal Agenda.
L’étendue de ces destructions a fait craindre, au Liban, qu’Israël ne cherche à créer une zone tampon, comme il l’a fait le long de sa frontière avec Gaza et dans le nord de cette enclave, ou bien à empêcher les habitants de retourner vivre dans la bande frontalière. L’armée israélienne s’en est défendue, disant mener des raids limités et localisés contre des cibles du Hezbollah et ses infrastructures implantées dans les villes, notamment des tunnels passant sous les maisons et des caches d’armes dans des bâtiments. L’objectif affiché du gouvernement israélien est de faire reculer le Hezbollah le plus loin de la ligne de démarcation entre Israël et le Liban, pour permettre aux 60 000 Israéliens déplacés du nord du pays de rentrer chez eux.
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