LIBAN – Des dessins qui racontent les traumatismes d’un quotidien marqué par les frappes. Depuis deux mois désormais, l’armée israélienne bombarde le Liban, affirmant mener une guerre contre le Hezbollah, soutien du Hamas dans la bande de Gaza. La capitale Beyrouth n’est pas épargnée, pas plus que immeubles civils ou les hôpitaux. Alors que le pays est plongé dans une situation humanitaire catastrophique, l’ONG Secours Islamique France (SIF) mène depuis le début de l’offensive israélienne en septembre dernier une campagne auprès des enfants pour leur permettre d’exprimer leurs émotions grâce au dessin. Et elle s’inquiète des traumatismes qu’ils subissent.
À Gaza, ces parents ne peuvent plus scolariser leurs enfants et s’inquiètent pour leur avenir
« Les dessins portent tous sur la situation actuelle », se désole Ahmad Badr, responsable de la promotion des droits humains de l’ONG, joint par Le HuffPost alors qu’il se trouve sur le terrain au Liban. Pourtant, lors de la mise en place de cette campagne auprès des enfants, aucune instruction ne leur a été donnée sur ce qu’ils devaient représenter. « C’était vraiment choquant pour nous parce que nous avons pu voir ce qu’ils ressentaient », explique-t-il.
« On a voulu montrer, à travers ces dessins, l’impact dévastateur du conflit », affirme Laura Le Floch, responsable plaidoyer adjointe du SIF. « Ce sont les enfants qui en sont les premières victimes », poursuit-elle, rappelant que beaucoup d’enfants ont dû fuir leur maison pour échapper aux bombardements, ou ont même perdu leurs parents. « Les dessins expriment la peur et les angoisses qu’ils peuvent vivre. »
Des conséquences de long temps
« On sait que l’enfance est la période la plus importante pour le développement émotionnel et social d’une personne. Elle va influencer ses capacités à aller vers l’autre et à apprendre », souligne Laura Le Floch. Or les privations, les déplacements forcés et la peur de mourir entraînent « l’activation prolongée et excessive de stress » engendrant des problèmes de développement.
Un constat partagé par Ahmad Badr, qui indique que les enfants sur place ont « des difficultés à se concentrer », souffrent d’insomnies et « ont peur des bruits forts à cause des bombardements ». « Des traumatismes qui vont avoir des impacts à long terme, peut-être même sur leur vie adulte », estime Laura Le Floch.
Ce d’autant plus que les enfants libanais sont confrontés depuis des décennies aux graves crises que traverse le pays, comme l’incursion terrestre de l’armée israélienne dans le sud en 2006, l’explosion au port de Beyrouth d’août 2020 ou encore une inflation titanesque qui rend difficile l’achat des produits de première nécessité. « Nous sommes à la limite d’une génération perdue », souffle la responsable plaidoyer.
Ils ont perdu « le sens de la normalité »
Ce sentiment de mal-être chez les enfants est aggravé par leur déscolarisation. La plupart des écoles publiques ont en effet été transformées en abris collectifs depuis le début de la guerre. Les enfants « ont perdu leur sens de la normalité et leur routine », déplore Ahmad Badr. Sans école « au-delà de perdre l’opportunité d’apprendre, ils perdent aussi l’accès aux services psychosociaux et de protection » ajoute Laura Le Floch. Il faut donc « inclure des actions sur l’éducation dans la réponse humanitaire au Liban », insiste-t-elle.
C’est pour essayer de prévenir les éventuels troubles mentaux et de surmonter les chocs que le SIF a mis en place cette campagne. Sur le terrain, les humanitaires suivent une centaine d’enfants, réalisent avec eux des activités récréatives et organisent des discussions dans un contexte d’urgence. Mais depuis septembre, les activités psychosociales menées depuis plusieurs mois sont entravées. Une large partie a désormais lieu par WhatsApp, car il est devenu trop dangereux de réunir les enfants dans les centres psychosociaux, menacés par les bombes.
L’ONG propose aussi du soutien à la parentalité. Elle a par exemple envoyé un guide pour donner aux parents des conseils sur la façon de parler des explosions avec des mots simples, à hauteur d’enfant. Mais pour le Secours Islamique France, la seule option pour véritablement protéger les plus jeunes au Liban est claire : « Nous voulons un cessez-le-feu entre toutes les parties et nous travaillons dur pour assurer la sécurité des enfants », affirme Ahmad Badr.
À voir également sur Le HuffPost :
Au Liban, le journaliste israélien Danny Kushmaro fait lui-même exploser une maison dans son reportage
Georges Ibrahim Abdallah doit sortir de prison, ordonne le tribunal d’application des peines