ARTE.TV- À LA DEMANDE – CONCERT
Thomas Hengelbrock (né en 1958) a beau avoir choisi sa version pour grand orchestre, c’est un Requiem de Gabriel Fauré (1845-1924) très intime et clair qu’il dirigeait au Panthéon, à Paris, le 7 septembre, à la tête de l’Orchestre de chambre de Paris, dont il a été nommé directeur musical après la disparition prématurée du chef et pianiste Lars Vogt (1970-2022).
Car il existe une autre mouture de cette œuvre archiconnue qui est l’une des plus belles messes des morts de l’histoire de la musique, conçue pour un petit ensemble sans bois, avec seulement quelques cuivres, timbales, harpe, orgue et un ensemble de cordes sans pupitres de violons, à l’exception d’un archet soliste.
Elle fut jouée à l’église de la Madeleine, où Fauré était maître de chapelle, sous des vêtures diverses entre 1888 et 1894. Puis, réclamée par son éditeur Hamelle, une version symphonique fut publiée en 1901 : moins singulière, elle s’imposa car les orchestres n’étaient dès lors plus obligés de congédier une moitié de leurs effectifs. Adieu le violon solo séraphique ; bonjour le galbe de l’onction funèbre !
De belles couleurs intimes
Fauré, musicien de l’intime − même à l’opéra, dans sa Pénélope de 1913 −, s’étonna du succès de cette œuvre : « On joue mon Requiem à Bruxelles, et à Nancy, et à Marseille, et à Paris, au Conservatoire !, écrit-il en 1900 à Willy, le mari de l’écrivaine Colette. Vous verrez que je vais devenir un musicien connu ! », rappelle Jean-Michel Nectoux, le grand spécialiste du compositeur, auteur des premières éditions musicologiques fiables des deux versions du Requiem.
On suppose que c’est en raison de la vasteté du Panthéon, où ce concert inaugural de son mandat de directeur musical fut donné, que Thomas Hengelbrock, un musicien d’obédience historiquement informée, a favorisé la version symphonique du Requiem. Mais, sans pathos, il respecte la nature dolente de l’œuvre, qualifiée, aussi justement que joliment, de « berceuse de la mort ».
La soprano Katharina Konradi rate le fameux Pie Jesu en le chantant trop bas et un peu raidement (le solo a été créé par une voix de jeune garçon), tandis que le baryton Konstantin Krimmel confère de belles couleurs intimes à ses deux interventions interprétées avec une radieuse simplicité.
Les solistes et le chœur, tous allemands, prononcent le latin à la gallicane, comme il se faisait du temps de Fauré (et même encore dans les films de Don Camillo avec Fernandel, dans les années 1950-1960). Des voyelles et des diphtongues claires apportent une couleur douce et si française à ce tendre Requiem.
Requiem op. 48 de Gabriel Fauré, par Katharina Konradi (soprano), Konstantin Krimmel (baryton), Chœur Balthasar Neumann, Orchestre de chambre de Paris, Thomas Hengelbrock (direction), captation réalisée par Colin Laurent (Fr., 2024, 43 min.) Sur Arte.tv jusqu’au 3 décembre.