Une fonctionnaire de la Ville de Paris jugée devant le tribunal correctionnel de Paris pour prise illégale d’intérêt afin de s’attribuer un logement social a été reconnue fautive… mais relaxée, en vertu de la « jurisprudence Dupond-Moretti », du nom de l’ancien garde des Sceaux, lui-même jugé et relaxé pour prise illégale d’intérêt.
Le jugement de la 13e chambre correctionnelle, consultée vendredi 1er novembre par l’Agence France-Presse (AFP), mentionne que « la prise illégale d’intérêt est matériellement parfaitement caractérisée » mais que la prévenue, Manelle S. n’avait pas eu une « conscience suffisante » de celle-ci.
Pour plaider sa cause, son conseil avait explicitement fait référence à l’arrêt de la Cour de justice de la République (CJR) qui, en novembre 2023, a relaxé M. Dupond-Moretti des poursuites du chef de prise illégale d’intérêt.
« De fait, dans cet arrêt, contrairement à la jurisprudence habituelle et ancienne, selon laquelle l’intention coupable est caractérisée par le seul fait que son auteur a accompli sciemment l’acte constituant l’élément matériel du délit – c’est-à-dire s’est mis volontairement dans une situation objective de conflit d’intérêts –, cette haute juridiction [la CJR] a jugé qu’il fallait en plus établir “la conscience suffisante que le prévenu pouvait avoir de s’exposer à la commission d’une prise illégale d’intérêt” », a relevé, avec une certaine ironie, le tribunal correctionnel.
Le tribunal a également noté de façon sarcastique que la prévenue « n’a pas fait d’études supérieures en droit, ni n’a exercé des emplois qui conduisent à développer ou confirmer des compétences en droit – tels que la profession d’avocat pénaliste ou la fonction de ministre de la Justice, garde des Sceaux ».
En conséquence, le tribunal a jugé que « l’élément intentionnel, caractérisé sous l’empire de la jurisprudence antérieure, ne l’est plus sous l’empire de la jurisprudence résultant de l’arrêt » de la CJR, et a donc prononcé la relaxe de la prévenue.
Appelée à juger M. Dupond-Moretti, la CJR avait estimé que le ministre s’était bien placé en situation de conflit d’intérêts en ouvrant des enquêtes administratives contre quatre magistrats qu’il avait critiqués quand il était avocat, mais qu’il ne pouvait être reconnu coupable, faute d’élément « intentionnel ».