LA LISTE DE LA MATINALE
Cette semaine, même si les nouveaux films ne se bousculent pas dans les salles, de très belles propositions abondent en cette période de vacances de la Toussaint. A commencer par la Palme d’or 2024, Anora, de Sean Baker, formidable odyssée de marginaux et de bras cassés venant à point nommé réveiller le cinéma indépendant américain. Le vétéran Clint Eastwood livre, à 94 ans, un nouveau film, Juré n °2, une fiction judiciaire qui chasse sur les terres de Douze hommes en colère, de Sidney Lumet. Enfin, au rayon animation, Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau met la Lettonie à l’honneur en imaginant, à rebours de l’anthropomorphisme, de splendides figures animales dans un monde inondé.
A ne pas manquer
« Anora » : détricoter le conte de fées
Tout ce que Hollywood ne veut plus voir se vit dans le cinéma de Sean Baker. Son œuvre, déjà riche de huit longs-métrages, dresse de lucides constats. Le sexe comme monnaie d’échange et parfois unique moyen de survie. La classe sociale appréhendée comme un destin qui vous rattrape toujours. Enfin, l’argent qui structure le monde.
Anora (Mikey Madison), jeune prostituée officiant à Brooklyn, s’ajoute à la liste des héros galériens qui traversent la galaxie Baker. Une nuit, la voilà qui divertit Ivan (Mark Eydelshteyn), un jeune client qui se trouve être le fils d’un oligarque russe. Il l’invite dans son immense villa pour se payer ses services d’escort girl. Sans crier gare, une sincère relation – certes tarifée – se noue. Un matin, les hommes de main du père d’Ivan débarquent à l’improviste pour annuler l’union. Alors, tout ce que la première partie a patiemment bâti sera cruellement détricoté par la deuxième.
Hanté par Le Magicien d’Oz, dont il adopte souvent sa structure scindée entre rêve et réalité, Sean Baker organise la collision entre beauté des mirages et lucidité politique. Anora, ce serait Pretty Woman, mais monté à l’envers – en somme, remis dans le bon ordre. M. Jo.
Film américain de Sean Baker. Avec Mikey Madison, Mark Eydelshteyn, Youri Borissov (2 h 19).
« Juré n° 2 » : l’Amérique au prétoire
On le savait au moins depuis L’Homme des hautes plaines (1973), son deuxième long-métrage comme réalisateur, Clint Eastwood est par excellence l’homme qui revient. D’entre les ombres du cinéma classique, d’une jeunesse de toute éternité révolue, et même de sa propre mort. Auteur, à 94 ans, d’une œuvre désormais monumentale, l’impavide fantôme livre avec Juré n° 2 un film de procès doublé d’un thriller.
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