Rarement, ces dernières années, une multinationale étrangère en Inde avait dû faire face à un mouvement social d’une telle ampleur. Environ un millier d’ouvriers d’une usine Samsung située à Sriperumbudur, près de Chennai, dans l’Etat du Tamil Nadu (sud-est), sont en grève depuis le 9 septembre. Ils réclament que leur syndicat nouvellement formé, le Samsung India Labour Welfare Union (Silwu), soit reconnu officiellement par l’entreprise. Ils demandent aussi une hausse des salaires, ainsi qu’une amélioration du temps de travail.
Les employés du géant sud-coréen campent sous une grande tente devant l’usine qui fabrique réfrigérateurs, machines à laver et téléviseurs. Leur mobilisation a causé des interruptions de production sur ce site qui génère à lui seul un tiers du chiffre d’affaires annuel de plus de 10 milliards d’euros de Samsung en Inde. Ici, les ouvriers gagnent en moyenne 25 000 roupies par mois, soit quelque 270 euros.
En Inde, beaucoup craignent que ces protestations ne découragent les investisseurs, alors que le premier ministre, Narendra Modi, veut faire de son pays une option crédible face à la Chine, la nouvelle usine du monde. L’Inde s’est ainsi fixée comme objectif de tripler la production électronique d’ici à 2030, pour atteindre 500 milliards de dollars (450 milliards d’euros). Les géants du secteur ont été attirés ces dernières années par des politiques favorables et par une main-d’œuvre bon marché.
« Les entreprises ont confiance dans le gouvernement pour améliorer la facilité à faire des affaires, mais l’Inde doit s’assurer que les droits des salariés sont respectés, et la liberté d’association ne devrait pas être un problème, d’autant que dans le cas de Samsung, les demandes des salariés sont parfaitement légitimes », fait remarquer Anand Parappadi Krishnan, chercheur au Centre of Excellence for Himalayan Studies, de la Shiv Nadar University, dans la banlieue de New Delhi.
Soutenus par le syndicat CITU
Les grévistes de Samsung sont soutenus par le Centre for Indian Trade Unions (CITU), un syndicat d’obédience communiste créé en 1970, qui veut renforcer sa présence dans le secteur électronique en plein développement. « Le plus important à nos yeux, c’est la reconnaissance officielle de leur syndicat et la possibilité de mener des négociations collectives dans le futur. Samsung est installé en Inde depuis 2007, et en dix-sept ans, aucun syndicat n’a jamais été créé », regrette K. C. Gopi Kumar, du comité régional du CITU dans le Tamil Nadu.
Les négociations tripartites entre les salariés, Samsung et des représentants de l’Etat du Tamil Nadu ont jusque-là échoué. Samsung serait réticent à reconnaître un syndicat soutenu par une organisation syndicale nationale comme le CITU. « Sans notre soutien, les salariés seraient plus vulnérables aux pressions de l’entreprise, et leur pouvoir de négociation se verrait affaibli », dénonce M. Gopi Kumar, qui rappelle que la liberté d’association est garantie par la Constitution indienne.
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