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Un peu partout en France, la Libération évoque des images de liesse : des GI distribuant cigarettes, chewing-gums, et recevant bouquets de fleurs et embrassades sous les acclamations d’une foule qui agite les drapeaux des Alliés.
Un peu partout en France, mais pas partout en Normandie, où la joie de la Libération se nuance souvent d’un goût de cendres. Dans certaines zones, les Alliés ne libèrent plus qu’un amas de ruines fumantes. A cela s’ajoute le souvenir mitigé de la présence américaine, qui s’étire jusqu’à l’hiver 1945. Pendant longtemps, les souffrances de la population normande sont restées inaudibles.
Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : 1944 – Des débarquements à la libération de la France », mai 2024, en vente dans les kiosques ou sur le site de notre boutique.
Dans un contexte de guerre froide, la célébration de l’héroïsme des libérateurs, alliés d’hier et peut-être de demain, était un impératif. Le devoir de mémoire se résumait à un devoir de gratitude. Depuis une dizaine d’années – et le discours marquant du président François Hollande en 2014 sur les victimes civiles –, des douleurs longtemps muettes commencent à s’exprimer. En 2016, la création d’un mémorial des civils à Falaise marque une étape importante. Dirigé aujourd’hui par Emmanuel Thiébot, il présente la vie des civils confrontés à la guerre, avec leur lot d’épreuves et de souffrances, au premier plan desquelles les bombardements.
Certes, d’autres régions françaises ont été durement éprouvées, comme le Nord-Pas-de-Calais ou la région parisienne. Mais la proximité de l’Angleterre et la présence du mur de l’Atlantique, construit par les Allemands, font de la Normandie un enjeu stratégique dès 1942 pour les Anglais.
Vingt mille morts civils
Depuis le tournant de l’année 1944, les Alliés préparent le Débarquement. L’objectif est de désorganiser le réseau de transport pour retarder les renforts allemands. Rails, gares de triage, ponts sont dans la ligne de mire. Problème : ces cibles se trouvent au milieu de zones urbaines denses. Comme à Sotteville-lès-Rouen, frappée dans la nuit du 18 au 19 avril 1944 : 812 tués, avec des dégâts majeurs sur le centre de Rouen. Le plus dur est à venir. A partir du 30 mai, Rouen connaît sa « semaine rouge ». Les bombardements alliés visant à détruire les ponts font des centaines de victimes (deux cents morts le 30 mai). Autre ville martyre, Caen, six cents morts le 6 juin, avant un nouveau et terrible bombardement le 7 juillet au soir (trois cents morts).
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