Kiev et Washington négocient, Moscou campe sur ses positions. Les discussions sur le règlement de la guerre en Ukraine s’accélèrent depuis que l’administration américaine a proposé il y a près de trois semaines un plan visant à mettre un terme à l’invasion russe.
L’Ukraine, soutenue par ses alliés européens, s’efforce depuis à amender le texte américain, dont la version initiale reprenait une grande partie des exigences russes sans apporter de garanties à Kiev. Mais Donald Trump, qui s’agace face à des pourparlers jugés trop lents, pousse le président ukrainien à accepter rapidement un accord, même défavorable.
Vers une zone démilitarisée dans le Donbass?
Selon Volodymyr Zelensky, deux questions sensibles restent à négocier: le contrôle de la région orientale de Donetsk, où se déroule l’essentiel des combats, et le statut de la centrale nucléaire de Zaporijia, occupée par Moscou dans le sud de l’Ukraine.
Le président a assuré jeudi à la presse que Washington « voit les forces ukrainiennes se retirer » de la partie de la région de Donetsk qu’elles contrôlent encore et qui serait transformée en « zone économique libre » ou « zone démilitarisée ».
« Qui gouvernerait ce territoire, qu’ils (les Américains) appellent déjà ‘zone économique libre’ ou ‘zone démilitarisée’, (les États-Unis) l’ignorent », a relevé Volodymyr Zelensky.
La région de Donetsk, contrôlée à plus de 80% par la Russie, et celle voisine de Lougansk, presque totalement sous son contrôle, sont l’objectif prioritaire du Kremlin en Ukraine.
Selon le président ukrainien, Washington propose en échange que Moscou retire ses troupes des régions ukrainiennes de Soumy, Kharkiv et Dnipropetrovsk, où elles n’ont réalisé que des percées mineures. L’armée russe se maintiendrait en revanche dans les oblasts de Kherson et Zaporijia, deux régions envahies dont l’annexion est revendiquée officiellement par Moscou.
Kiev temporise
L’idée d’une zone démilitarisée dans des territoires que la Russie n’a pas réussi à conquérir en près de quatre ans d’intenses combats représenterait une concession majeure de Kiev, qui éviterait cependant d’y renoncer formellement.
La réponse de Kiev à cette proposition américaine n’est pas encore officiellement connue. Ce jeudi, le conseiller de Volodymyr Zelensky Mikhaïlo Podoliak a semblé se rallier à cette idée, déclarant au journal Le Monde qu' »une zone démilitarisée devra exister de part et d’autre de la ligne » où serait déployé « un contingent étranger ».
« C’est un format naturel de fin de conflit, sachant qu’une partie du territoire restera malheureusement sous occupation de facto de la Russie et qu’une ligne de séparation sera fixée de toute façon », a-t-il ajouté.
La présidence ukrainienne a toutefois par la suite fortement nuancé ces déclarations, affirmant que Kiev n’a pas « accepté de retirer ses troupes et de créer une zone tampon ou démilitarisée dans le Donbass ».
Jeudi, le chancelier allemand Friedrich Merz avait indiqué que Kiev avait envoyé une proposition concernant des concessions territoriales au président américain Donald Trump, sans donner plus de détails.
Dans tous les cas, Volodymyr Zelensky a assuré qu’une « élection » ou un « référendum » sera nécessaire en Ukraine pour trancher sur les questions territoriales. Mardi, il s’était dit prêt à organiser une présidentielle si la sécurité du scrutin pouvait être assurée par les États-Unis, avec les Européens.
Outre les questions territoriales, Kiev attend de Washington des « garanties de sécurité » pour dissuader Moscou de reprendre son agression. Mais les discussions sur le sujet n’ont pas encore abouti.
Selon les informations de l’AFP, le plan américain envisage aussi une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne dès 2027. Mais une telle adhésion, en à peine plus d’un an, semble peu probable du fait de la possible opposition, entre autres, d’États membres de l’UE aux relations tendues avec l’Ukraine, comme la Hongrie
Donald Trump « frustré », Moscou immobile
Donald Trump a fait part jeudi de son exaspération face à l’absence de résultat des pourparlers pour mettre fin à la guerre. « Le président est extrêmement frustré par les deux camps impliqués dans cette guerre, et il en a assez des réunions qui n’ont d’autre but que de se réunir », a déclaré la porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt. « Il ne veut plus des paroles. Il veut des actes. Il veut que cette guerre prenne fin », a-t-elle poursuivi.
Donald Trump avait déclaré la veille que les dirigeants européens voulaient organiser une réunion sur l’Ukraine ce week-end, mais que la participation américaine n’était pas acquise. « Nous ne voulons pas perdre notre temps », a-t-il lancé après un échange téléphonique avec Emmanuel Macron, Keir Starmer, et Friedrich Merz.
« S’il y a une réelle chance de signer un accord de paix, si nous sentons que ces réunions méritent que quelqu’un des États-Unis y consacre son temps ce week-end, alors nous enverrons un représentant », a précisé sa porte-parole.
Ces derniers jours, le président américain a particulièrement mis la pression sur le président ukrainien, l’accusant de ne pas « lire » les propositions américaines. Relayant un argument régulièrement brandi par le Kremlin, il a aussi jugé que Volodymyr Zelensly « utilisait la guerre » pour se maintenir au pouvoir, feignant d’ignorer que les bombardements russes empêchaient Kiev d’organiser tout scrutin.
Côté russe, le Kremlin se mure dans l’immobilisme. Depuis le début des négociations, le Kremlin rejette la moindre concession et – contrairement à Kiev – refuse d’acter un cessez-le-feu. Fin novembre, Vladimir Poutine a affirmé qu’il ne « cessera les hostilités » que si l’armée ukrainienne se retire des territoires qu’il revendique. La dernière visite de l’émissaire américain Steve Witkoff à Moscou n’a pas permis d’infléchir sa position.
Ce vendredi, le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov, a déclaré que Moscou n’avait pas encore vu la nouvelle version du plan américain révisé par Kiev et ses alliés européens. « Il y a beaucoup de choses qui pourraient ne pas nous plaire », a-t-il averti, cité par l’agence de presse TASS.
Article original publié sur BFMTV.com



