Difficile de trouver la moindre évocation de Prague dans l’œuvre de Kafka. Mais Kafka, lui, est bien présent à Prague. Entre la synagogue espagnole et l’église du Saint-Esprit, on le trouve qui chevauche un grand costume vide : une intrigante sculpture « équestre » de Jaroslav Rona de 2003, qui aurait été inspirée par un épisode de la nouvelle Description d’un combat, son tout premier récit. Au sud de Nové Mesto, la nouvelle ville, on inaugurait en 2014 une statue aussi clinquante qu’imposante (11 mètres de haut) de David Cerny : quarante-deux strates pivotantes faisant de la tête de l’écrivain une métamorphose permanente.
Kitsch ? Disons une ironie kafkaïenne, transformant un auteur à l’univers anxiogène en produit touristique. Mais aussi une forme de reconnaissance, lui qui fut proscrit par le régime communiste, et dont les livres ne furent vraiment connus qu’après sa mort, en 1924, sauvés du feu auquel Kafka les vouait par son ami Max Brod.
Un début d’adoubement était survenu déjà en 1965 : une plaque avec son portrait en bronze posée à un angle de la maison dite « à la Tour », où il vit le jour le 3 juillet 1883 (seul subsiste le portail d’origine). Elle se situe à deux pas de la place de la vieille ville, au cœur de Staré Mesto, le centre historique de Prague. « Toute ma vie, a-t-il dit un jour à son professeur d’hébreu, s’inscrit dans ce petit cercle. »
Le beau palais rococo Goltz-Kinsky hébergeait le lycée allemand où il a étudié. Son père y a aussi tenu une mercerie, avec pour enseigne un petit oiseau noir, un choucas (kavka, en tchèque). Tout comme au 3 de la rue Celetna voisine, où logea toute la famille de 1887 à 1906, au deuxième étage de la maison « aux Trois Rois ». La chambre de Franz, dit la légende, donnait sur le chœur de l’église Notre-Dame du Tyn. De 1907 à 1913, il vécut au 36 de la grande artère Parizska, qui débouche sur la place : c’est là qu’il écrit Le Verdict (en une nuit), La Métamorphose et une partie de L’Amérique. Quant à la maison « à la Minute », accolée à l’ancien hôtel de ville, elle a vu naître ses trois sœurs. On l’admire aujourd’hui pour sa façade ornée de graffites de la Renaissance, recouverts à l’époque de Kafka.
Mettre des images sur les lieux qu’il a fréquentés
Pour suivre justement ses traces dans la Prague qu’il a connue, direction le musée qui porte son nom (au passage, évitez l’attrape-touriste World of Franz Kafka, près de sa maison natale). Il suffit pour cela de traverser l’incontournable pont Charles, qu’empruntait Kafka pour se rendre au Prazsky hrad, le château qui surplombe la ville. Sa sœur préférée, Ottla, avait loué l’une des maisonnettes qui composent la ruelle d’Or, au numéro 22. C’est aujourd’hui une boutique de souvenirs… où l’on peut néanmoins se procurer Un médecin de campagne, le recueil de contes qu’il y a écrit entre 1915 et 1917.
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