vendredi, mai 3

Lors des manifestations en faveur des droits des femmes, les militantes se sont appropriées certaines couleurs.
Que ce soit le violet, le vert ou le blanc, ces couleurs revêtent une histoire et une symbolique bien particulière.
En cette journée internationale de lutte pour les droits des femmes, on vous explique ce qu’elles représentent.

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Avec Elles

Ce 8 mars, pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, de nombreuses manifestations sont organisées pour réclamer des mesures en faveur de l’égalité entre les sexes. Dans les cortèges, certaines couleurs, comme le violet et le vert, ressortent. Portées par les militantes féministes, elles s’inscrivent dans une histoire de luttes qui ne date pas seulement de ces dernières années. On vous explique d’où elles viennent et ce qu’elles symbolisent.

Une référence au mouvement des Suffragettes

Le violet, le vert, mais aussi le blanc sont des couleurs associées au mouvement féministe depuis plus d’un siècle. En effet, les premières occurrences datent du mouvement des Suffragettes, au Royaume-Uni, dans les années 1900. Alors qu’elles militent pour obtenir le droit de vote, ces femmes réfléchissent à la manière dont elles peuvent donner de la force et de la visibilité à leur cause. 

« Le mouvement pour le suffrage féminin, il avait commencé avant les années 1900, mais à partir du tournant du XXe siècle, les femmes ont cherché à adopter d’autres modes d’action pour être plus efficaces », explique Léa Dorion, enseignante-chercheuse à l’université Paris-Saclay et spécialiste des mouvements féministes. « Elles ont eu cette réflexion que des symboles visuels pourraient leur permettre de propager leurs idées de façon plus efficaces, de plus marquer les esprits. Elles ont donc développé une pratique visuelle, en tout cas, une identité vestimentaire qui mobilisaient le violet, le blanc et le vert », poursuit-elle.

Le choix se porte vers ces couleurs pour des raisons symboliques, le violet signifiant la dignité, le blanc, la pureté et le vert, l’espoir. Ce sont par ailleurs des couleurs assez communes dans le vestiaire féminin de l’époque et qui tranchent avec les vêtements masculins, plutôt sombres. Enfin, ces couleurs ont aussi l’avantage, à l’époque, de n’être pas encore associées à un mouvement politique particulier. « Le bleu, c’était la couleur des républicains, le rouge, plutôt celle des socialistes, des communistes, le noir, des anarchistes. L’idée, c’était de trouver des couleurs qui n’étaient pas déjà utilisées pour se démarquer de ces autres courants politiques », précise la chercheuse Léa Dorion.

Des marées violettes en France, depuis les années 1960

Par la suite, le violet est réapparu en France, dans les années 1960-1970, directement en référence à l’histoire des Suffragettes anglaises. Mais pas seulement. « Une des analyses à la mobilisation du violet, c’est que c’est le mélange du bleu et du rose. Ça a été vu comme une couleur qui dépassait les assignations genrées en termes de couleurs », indique l’enseignante-chercheuse Léa Dorion, les normes attribuant le bleu aux garçons et le rose aux fillettes. 

« C’était une couleur vue comme féministe par excellence parce qu’en dehors des catégories genrées », ajoute la maîtresse de conférence. Résultat, on trouve cette couleur dans les cortèges qui demandent le droit à la contraception libre ou à l’avortement ou encore la reconnaissance du travail domestique majoritairement réalisé par les femmes, comme en 1974, lors de la grève des femmes organisée par le Mouvement de libération des femmes.

En 2019, la couleur a ressurgi à la faveur du collectif #NousToutes, dans la continuité du mouvement #MeToo. Lors de la journée contre les violences sexistes et sexuelles, en novembre, les féministes ont appelé à manifester et c’est alors une marée violette qui s’est déversée dans les rues de France. « Elles ont produit beaucoup de pancartes par rapport aux années précédentes, ça donne une image. Elles ont participé au fait que le violet est à nouveau extrêmement visible dans la rue lors des manifestations féministes », décrit la maîtresse de conférence.

Une manifestation contre les violences faites aux femmes en novembre 2019, à Paris. – DOMINIQUE FAGET / AFP

Le vert, symbole de lutte pour la dépénalisation de l’IVG

Parallèlement, si le blanc est une couleur que l’on voit beaucoup moins lors des manifestations, le vert, lui, est également utilisé, notamment en Amérique du Sud. « Il est devenu un symbole du mouvement en faveur de l’IVG à partir des années 2000, mais là, l’affiliation avec le mouvement des Suffragettes est un peu moins clair », estime Léa Dorion. Les premières occurrences ont d’abord été remarquées en Argentine, à travers un foulard vert porté par les féministes qui militaient pour la dépénalisation de l’avortement. Le vert symbolisait là aussi l’espoir, mais aussi la santé et la vie. Par ailleurs, cette couleur, à ce moment-là dans ce pays, n’était pas associée à un mouvement social ou un parti politique.

À partir de là, le foulard vert a émergé comme un symbole de la lutte du mouvement pro-choice (pro-choix, ndlr), au point d’être repris dans d’autres pays d’Amérique du Sud. Depuis, il s’est exporté aux États-Unis comme en Europe. Ainsi, lorsque la Cour suprême américaine décide d’annuler l’arrêt Roe vs. Wade, qui garantissait le droit d’avorter, des femmes vont manifester en portant ce foulard ou cette couleur. De même, pour la constitutionnalisation de la liberté à avorter, ce lundi 4 mars, la députée LFI Mathilde Panot était en vert et avait un foulard vert noué au poignet, en référence à cette lutte, devenue mondiale.

Brandon Bell / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

« Les couleurs vont permettre de faire des ponts entre les pays et de créer des solidarités internationales », analyse ainsi la chercheuse qui y voit aussi un moyen pour les militantes de s’inscrire dans une histoire des luttes féministes. « Les luttes, elles existent depuis des décennies. Les couleurs permettent de faire référence aux luttes passées et de se donner de la force pour les luttes à venir. Cela crée une continuité dans les manifestations féministes », résume la maîtresse de conférence Léa Dorion.


Aurélie LOEK

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