mardi, mai 21

Livre. Vers un monde univoque a traversé le Rhin pourvu de l’auréole du prix Tractatus reçu à sa parution, en 2018. Et du crédit de son savant auteur, Thomas Bauer, jadis couronné par le prestigieux prix Leibniz. Cet essai de plus d’une centaine de pages est pourtant loin du domaine de spécialité de ce professeur d’études arabes et islamiques à l’université de Münster. Sur le fond comme sur la forme.

Thomas Bauer opte pour un geste critique léger, plutôt que l’exhaustivité d’un essai lourdement documenté. Un tel format implique une part de superficialité, que l’auteur admet en invitant son lecteur à « transposer ces réflexions à d’autres domaines », mais il se révèle adapté à son objet difficile à empoigner.

Car c’est un air du temps, une tendance subreptice de notre modernité que Thomas Bauer entend cibler. « Ma thèse est que notre époque est une époque de faible tolérance à l’ambiguïté », et que cette évolution conduit « à rendre le monde de plus en plus univoque ». Derrière la célébration de la diversité mondialisée, un assèchement serait à l’œuvre, se caractérisant par « moins de significations, d’ambiguïté et de diversité dans tous les champs de l’existence ».

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Thomas Bauer se concentre sur trois d’entre eux – les arts, la politique et la religion – qui le conduisent à dérouler une seconde hypothèse : ce règne de l’univoque produirait deux phénomènes à la fois opposés et partageant une racine commune, le fondamentalisme et l’indifférence.

Obsession de la pureté

La religion se présente comme une application évidente de cette « disposition moderne à la destruction de la diversité ». L’indifférence à la foi est devenue majoritaire dans les sociétés occidentales. Quant au fondamentalisme, Thomas Bauer le décèle dans tous les monothéismes, des évangéliques chrétiens aux islamistes fantasmant un retour à l’âge d’or. L’auteur affine en détectant trois mouvements propres à ce fondamentalisme : l’obsession de la vérité, l’aspiration à la pureté et la négation de l’histoire. Qui, en politique, se retrouvent dans les versions sécularisées que sont les idéologies totalitaires, et actuellement dans l’obsession identitaire qui reconfigure le paysage européen.

Cet identitarisme rejoint un autre trait contemporain : la quête de l’authenticité, vecteur d’une affirmation de soi érigée en « idéal suprême ». Mais « seul l’univers coloré de la consommation nous offre encore une vitrine de diversité », se désole Thomas Bauer, dont l’agilité réflexive séduit, tout en devenant parfois sa faiblesse. S’il convainc sur certains aspects, son pointillisme lui fait perdre en finesse sur la culture, traitée à travers l’art contemporain et la musique, ou sur le transhumanisme analysé comme l’aboutissement des « utopies du fondamentalisme ». Là se trouve peut-être la limite de ces coups d’épée.

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