vendredi, janvier 10

À partir du 11 janvier, les sites pornographiques seront contraints de contrôler l’âge de leurs utilisateurs.
Concrètement, la simple déclaration de majorité pour accéder à un site pour adultes ne suffira plus.
Mais comment s’assurer qu’ils le fassent ?

Depuis 30 ans, le droit français interdit d’exposer des mineurs à un contenu pornographique. Mais en réalité, un simple clic dans une case pour certifier qu’on a plus de 18 ans suffit pour y accéder. Selon une étude de Médiamétrie, commandée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) en mai 2023, près d’un tiers des mineurs consultent chaque mois au moins un site pornographique, principalement sur leur smartphone. Plus de deux millions de jeunes adolescents sont ainsi exposés à ces contenus pendant plus de 50 minutes en moyenne chaque mois, soit 600.000 mineurs de plus qu’en 2017, date de la dernière étude.

L’envoi d’un selfie vidéo ou d’une pièce d’identité

Des données effrayantes qui montrent l’urgence d’agir pour mieux protéger les mineurs. Mais les principaux acteurs du secteur, déjà poursuivis par la justice française, multiplient les recours pour repousser l’application d’un cadre réglementaire. Pour autant, la pression monte pour faire plier les sites pornographiques. Ainsi, un décret publié le 18 décembre dernier au Journal officiel renforce considérablement le contrôle d’accès de ces plateformes. 

Concrètement, à partir du 11 janvier, la simple déclaration de majorité pour accéder à un site pour adultes ne suffira plus. Les utilisateurs devront prouver leur âge via des solutions éditées par des prestataires externes, de l’envoi d’un selfie vidéo pour qu’une IA estime l’âge du visiteur à celui d’une pièce d’identité. Elles « demeureront libres de choisir les solutions de leur choix » du moment « qu’elles respectent les exigences techniques du référentiel », insiste l’Arcom.

Ça ne va pas régler le problème en une seule fois, mais ça va perturber suffisamment leur activité pour qu’ils se mettent en conformité.

Marc Norlain, directeur général d’IDnow

Autre évolution majeure : afin de protéger la vie privée des internautes, chaque site devra proposer au moins une option de vérification en « double anonymat », c’est-à-dire que le prestataire externe en charge de la vérification de l’âge ne saura pas quel site demande cette information, et le site X ne connaîtra pas l’identité de l’internaute. Le texte laisse trois mois aux plateformes pour se mettre en conformité. D’ici là, l’utilisation d’une carte bancaire sera tolérée. Une solution jugée imparfaite, qui a fait l’objet de nombreuses discussions, mais qui, si elle est accompagnée d’une double authentification, comme celle proposée par les applications bancaires, sera acceptée temporairement. Puis à partir du 11 avril, l’Arcom pourra ordonner, sans le concours d’un juge, le blocage par les opérateurs télécoms des sites incriminés et leur déréférencement. Toutefois, à la suite de passes d’armes entre la France et Bruxelles, la procédure pourrait s’avérer plus longue et complexe si le site en question est juridiquement installé dans un autre pays européen.

« Un premier pas » mais…

Si la plupart des sites payants ont déjà lancé des expérimentations auprès des fournisseurs de solutions de vérification de l’âge pour être prêts à se conformer aux recommandations des autorités, de nombreux sites pornographiques gratuits sont opposés à ces mesures, qui leur imposent des surcoûts. Alors comment s’assurer qu’ils s’y plieront ? Pour Marc Norlain, directeur général d’IDnow, un des leaders européens de solutions de vérification d’identité, « il faut être plus coercitif en réduisant leur trafic et en tapant au portefeuille ». « Cette nouvelle réglementation est un premier pas, cela va enclencher une bonne dynamique. Ça ne va pas régler le problème en une seule fois, mais ça va perturber suffisamment leur activité pour qu’ils se mettent en conformité », dit-il à TF1Info. 

Deux problèmes se posent toutefois. « Si la France décide d’interdire certains sites qui ne se mettront pas en conformité en demandant aux fournisseurs d’accès à internet de supprimer leurs adresses IP, une course contre-la-montre s’engage, car ils peuvent changer d’adresse, mais cela complique leur business. Par ailleurs, quid de l’usage des VPN ? Un utilisateur peut en effet en faire usage et se connecter à partir d’un pays étranger, contournant ainsi la loi française », explique Marc Norlain. « Il est donc important de mettre aussi en place des restrictions au niveau européen pour faire davantage pression sur les opérateurs », souligne-t-il.

Une autre solution pourrait cependant simplifier les choses, « c’est l’entrée en vigueur fin 2026 de l’e-Wallet européen visant à mettre en place un système d’identification numérique unifié et sécurisé pour tous les citoyens européens. Cela permettra de prouver sa majorité tout en gardant son anonymat », avance notre expert. 

En attendant, si la plupart des acteurs du secteur sont partis pour jouer la montre jusqu’à la fin de la période transitoire du 11 avril, certaines plateformes ont fini par se plier à leurs obligations renforcées. Visé par une procédure de blocage par les opérateurs français, le site TuKif impose depuis la fin de l’année à ses visiteurs de prouver leur majorité selon cinq méthodes de vérification pour accéder à ses contenus.


Virginie FAUROUX

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