vendredi, mai 3
Des militantes écologistes jettent de la soupe sur le tableau « La Joconde » de Léonard de Vinci, au Louvre, à Paris, le 28 janvier 2024.

Histoire d’une notion. Comme les Tournesols de Vincent Van Gogh, les Meules de Claude Monet, le Massacre en Corée de Pablo Picasso, La Joconde a été la cible d’une action menée par des militants écologistes, dimanche 28 janvier − pour la deuxième fois en peu de temps, le tableau de Léonard de Vinci ayant déjà été « entarté » en 2022. Le happening des membres du collectif Riposte alimentaire, qui ont aspergé de soupe la vitre protégeant la célèbre toile en réclamant une « alimentation saine et durable », a volontiers été qualifié par certains internautes et médias d’« attaque », voire d’« acte de vandalisme ». Si l’usage de la notion dans ce contexte n’a rien d’étonnant, le fait que d’autres dégradations, menées sur des bâtiments privés et publics dans le cadre de la mobilisation des agriculteurs au mois de janvier, n’aient pas reçu le même qualificatif, n’a pas manqué d’interroger. Alors, où commence et où finit le vandalisme ?

Le néologisme, qui fait référence aux Vandales, des tribus germaniques du début du Ier siècle réputées particulièrement destructrices, existe dans la langue anglaise depuis le XVIIe siècle. En France, il est popularisé sous la Révolution de 1789 par l’une de ses figures majeures, l’abbé Grégoire (1750-1831). Utilisé pour la première fois dans un rapport destiné à l’Assemblée révolutionnaire, en 1794, le terme sert d’abord au curé révolutionnaire à dénoncer « les destructions et autres dégâts opérés notamment dans le contexte de la vague déchristianisatrice du début de l’an II », c’est-à-dire à l’automne-hiver 1793-1794, en pleine Terreur, relève l’historien Michel Biard dans la revue Raison présente. L’abbé ne s’en cache pas, il souhaite avec ce mot jeter l’anathème sur ces actes iconoclastes pour les faire cesser : « Je créai le mot pour tuer la chose », note-t-il ainsi dans ses Mémoires.

« Pour discréditer, pour disqualifier »

Précisons qu’à l’origine, le mot recouvre un champ à la fois plus restreint et plus vaste qu’aujourd’hui. « Avec le terme de vandalisme, l’abbé Grégoire désigne les actes prenant pour cible ce qui symbolise à la fois la chrétienté et la civilisation, c’est-à-dire les sciences, les arts, les lettres, largement dans l’esprit des Lumières, explique Dominique Poulot, historien des musées et du patrimoine. Mais, contrairement à aujourd’hui, il n’entend pas par là que les atteintes aux biens : sous sa plume, le vandalisme qualifie aussi les attitudes hostiles envers les hommes – scientifiques, artistes – et les institutions qui représentent ces valeurs. »

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