jeudi, octobre 10

Largement dominé par des écrivains de culture occidentale, le prix Nobel de littérature, attribué jeudi, pourrait récompenser une plume originaire d’une région du monde autre que l’Europe ou l’Amérique du nord, selon les experts.

Le suspense sera levé à 13H00 (11H00 GMT) par les 18 membres de l’Académie suédoise.

Comme chaque année, les spéculations des cercles littéraires sur de potentiels lauréats vont bon train.

L’écrivaine chinoise Can Xue (prononcer Tsane Sué), 71 ans, revient fréquemment dans les pronostics.

Avant-gardiste et comparée à Kafka et Borges pour l’atmosphère à la fois irréelle et sombre qui imprègne ses romans et ses nouvelles, son style expérimental transforme le réel en univers fantastique et absurde.

Elle suit une méthode de travail bien à elle depuis 30 ans: se relisant à peine, elle modifie encore moins ses textes qu’elle écrit toujours avec un papier et un stylo. C’est son mari qui se charge de les retranscrire sur ordinateur.

– Romancière mexicaine, argentine? –

Can Xue est « peu traduite », note Björn Wiman, chef du service culturel du quotidien Dagens Nyheter. Et son oeuvre s’inscrit dans la tradition de la littérature surréaliste, généralement appréciée par l’Académie, remarque-t-il.

La dernière fois qu’un écrivain chinois a reçu le prix, c’était en 2012, lorsque le romancier Mo Yan a été sacré.

D’autres noms sont cités, comme celui de l’Argentin César Aira, de la Canadienne Margaret Atwood, du Hongrois Péter Nádas, de l’Américaine Joyce Carol Oates ou du Somalien Nuruddin Farah.

Mais le journaliste pense que le choix du lauréat cette année « prendra l’élite culturelle à contrepied ».

Le comité aime régulièrement surprendre, souligne M. Wiman qui imagine qu’une romancière mexicaine ou argentine ou un écrivain africain pourrait logiquement l’emporter.

« Je crois que ce sera une femme originaire d’une région linguistique non européenne », parie-t-il.

L’an dernier, le prix avait été remis au dramaturge norvégien Jon Fosse.

L’Australien Gerald Murnane figure en bonne position sur les sites de pari. Et le site Ladbrokes n’autorise plus de paris sur Alexis Wright, écrivaine aborigène originaire de l’île-continent, suggérant une possible fuite.

Né en 1939 dans une banlieue de Melbourne, d’un père un peu trop porté sur les courses de chevaux, Murnane a grandi dans un foyer catholique.

Son livre « Les Plaines » (1982), qui plonge le lecteur dans le monde des propriétaires terriens australiens, a été décrit par le New Yorker comme un « chef d’oeuvre bizarre », ressemblant plus à un rêve qu’à un livre.

– Prix masculin –

Il est peu probable qu’il soit couronné, estime cependant Lina Kalmteg, journaliste littéraire à la radio SR.

« Depuis 2017 environ, une fois sur deux, c’est une femme qui l’emporte », dit-elle. « Mais ce ne sont évidemment que des spéculations », rappelle-t-elle.

Les délibérations du jury sont gardées secrètes pendant 50 ans.

Depuis sa création, le Nobel de littérature est dominé par une vision occidentale et masculine: sur un total de 120 lauréats, seules 17 femmes ont obtenu le prix. Et une minorité d’auteurs récompensés utilisent des langues pratiquées en Asie, en Afrique ou au Moyen-Orient, hors des domaines anglophone, francophone, scandinave, allemand, slave, espagnol ou italien.

Un seul auteur de langue arabe a été distingué – Naguib Mahfouz, un Egyptien, en 1988 – contre 16 auteurs francophones.

Dans la tourmente après le scandale sexuel de 2018, l’Académie se cherche un nouveau souffle.

« Il serait donc intéressant (pour elle) de s’ouvrir à une perspective non européenne », plaide Mme Franzén dont la préférée est la poétesse canadienne Anne Carson.

Le rédacteur en chef culture de Göteborgs-Posten Johan Hilton mise lui sur un écrivain d’Europe centrale ou orientale. « France, Etats-Unis et Royaume-Uni ont été lauréats à de nombreuses reprises ces dernières années », constate-t-il.

Mais hors de question de récompenser un ou une Russe, même une personnalité critique du régime, selon lui. Il estime que « c’est politiquement impossible ».

Comme chaque année, les noms d’autres nobélisables régulièrement cités circulent: le Hongrois Laszlo Krasznahorkai, le Roumain Mircea Cărtărescu, le Kényan Ngugi wa Thiong’o, l’Américain Thomas Pynchon, la Caribéenne Jamaica Kincaid ou encore le Japonais Haruki Murakami. Et la Grecque Ersi Sotiropoulos a fait une apparition surprise sur les sites de paris.

Après la littérature, le très attendu prix Nobel de la paix sera décerné vendredi à Oslo, plus que jamais difficile à prédire tant les conflits se multiplient dans le monde.

Le Nobel d’économie, octroyé pour la première fois en 1969, fermera le bal lundi 14 octobre.

nzg/ef/roc

Partager
Exit mobile version