jeudi, juin 27

La situation actuelle que connaît la Nouvelle-Calédonie n’est en rien une surprise. La colère qui éclate dans la rue couve depuis longtemps et trouve ses sources dans l’histoire et la sociologie du territoire. Affirmer que ces émeutes ne sont que le fruit de jeunes désœuvrés, manipulés et alcoolisés paraît extrêmement réducteur et surtout dangereux, car cela dissimule ce qu’elles traduisent et mettent en visibilité : les inégalités objectives et un fort sentiment d’injustice sociale.

Aux facteurs historiques et politiques largement évoqués dans les médias ces derniers jours s’ajoutent des inégalités spatiales, sociales, économiques et ethniques très fortes et ce, dans un contexte d’incertitude politique, économique, sociale et climatique. Il ne s’agit pas ici de renforcer les clivages entre communautés, mais bien de les comprendre, afin d’éviter d’autres flambées de violence. Prendre conscience des inégalités et du sentiment d’injustice, d’une part, et réfléchir ensemble à de solutions possibles, d’autre part, paraissent plus que nécessaires actuellement.

Malgré la politique de rééquilibrage, autour de 70 % des pauvres appartiennent à la communauté kanak, 70 % des jeunes décrocheurs sans solution sont kanak et autour de 8 % de cette communauté sont titulaires d’un diplôme bac + 2 contre plus de 50 % des Européens (recensement de l’Institut national de la statistique et des études économiques de 2019). En outre, de nombreux jeunes diplômés, souvent passés par l’Hexagone, notamment grâce au programme public Cadres Avenir, rencontrent des difficultés d’accès au marché du travail.

Sous-représentés

Plusieurs jeunes interrogés lors de nos enquêtes de terrain témoignent avoir vu des postes à hauteur de leur qualification être attribués à des Hexagonaux, ce qui génère une frustration et un sentiment d’injustice très forts.

Les Kanak sont sous-représentés dans la plupart des postes à responsabilité et se sentent souvent infériorisés dans les champs scolaire, professionnel, politique, mais aussi dans leurs interactions avec une partie de la communauté européenne. Pour beaucoup de jeunes [interrogés lors d’entretiens menés en prison, sur des chantiers d’insertion, dans des lieux publics ou dans les lycées], à Nouméa, « la blanche », des « zoreilles » ou « métros » [qualificatifs qui désignent des métropolitains] posséderaient tout, viendraient essayer d’appliquer un modèle hexagonal, parfois avec condescendance, et seraient concentrés dans les quartiers riches, attisant ainsi la convoitise et la rancœur.

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