La veille, il avait appris son admission en deuxième année de médecine. Une nouvelle qui se fête après une année réputée particulièrement éprouvante. Dans les usages de la faculté de médecine de Lille, comme dans d’autres en France, les lauréats participent à des soirées d’intégration organisées par ceux qui ont remporté ce concours un an plus tôt.
C’est ainsi que Simon Guermonprez, 19 ans, se retrouve, le 8 juillet 2021, à la citadelle de Lille, puis dans l’appartement d’une étudiante de deuxième année. Alcoolisé, il quitte la fête peu après minuit. Son corps sera retrouvé sur l’autoroute Lille-Bruxelles aux premières heures du 9 juillet, percuté par un camion. Que s’est-il passé entre le moment où il a quitté la fête, le bras marqué de huit barres au feutre, une manière d’indiquer qu’il a consommé huit doses d’alcool, et cette macabre découverte ? Les policiers qui ont enquêté sur ce drame supposent que le jeune homme a voulu faire un selfie sur un pont enjambant l’autoroute, à quelques centaines de mètres de chez lui, que son téléphone aurait chuté et qu’il serait descendu sur l’autoroute pour le récupérer.
Ce drame n’est pas le premier qui fait suite à des soirées d’intégration organisées par des étudiants en médecine lillois, comme le rappelle le rapport de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (Igesr), saisie après la mort de Simon. Il revient sur des « événements graves » survenus en 2012, une agression sexuelle à la suite de laquelle l’intégration a été officiellement interdite par la faculté. « Mais elle a cependant continué à avoir lieu au vu et au su de tous », reconnaît le document. En 2015, lors de l’une de ces soirées, organisée dans un camping, un étudiant disparaît. Il sera retrouvé dix jours plus tard, noyé dans un étang. En 2020 et en 2021, deux viols sont déclarés, puis trois blessés graves.
Mercredi 4 septembre, le tribunal correctionnel de Lille aurait dû juger trois étudiants – un jeune homme et deux jeunes femmes entre 20 et 21 ans à l’époque des faits – pour bizutage et incitation à la consommation excessive d’alcool, pour deux d’entre eux, et pour complicité de bizutage pour l’étudiante chez qui une partie de cette soirée s’est tenue. Le chauffeur du camion était, pour sa part, renvoyé pour homicide involontaire. Le procès a été reporté au 11 février 2025, à la demande de tous les avocats, défense comme partie civile.
« Volonté d’omerta »
Comme ses confrères, l’avocat de la famille de Simon Guermonprez, Me Damien Legrand « a reçu copie de la procédure très tardivement ». Surtout, il a enfin découvert le contenu du rapport de la mission d’inspection, qui « ne [lui] avait jamais été communiqué », alors que la mission « a rendu ses conclusions en mars 2022 ». Il va donc demander que les responsables de la faculté de médecine se retrouvent, eux aussi, devant les juges lillois en février prochain, non comme simples témoins, mais pour y être jugés également. « Le père de Simon veut qu’un tel drame ne se reproduise plus. Or, on a le sentiment que la faculté s’en lave les mains parce que ça ne se passe pas dans ses locaux », confie Me Legrand.
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