dimanche, octobre 20

Ses proches avaient beau avoir prévenu, on ne s’attendait pas à ce que sept petites minutes de retard produisent, chez Clara Luciani, un tel accablement. « Pardonnez-moi ! », s’exclame-t-elle, confuse. Son bébé s’est réveillé aux aurores, puis la matinée a filé à toute allure, s’excuse-t-elle encore, le souffle coupé. L’entretien a lieu à l’Hôtel… du Temps, à deux pas de ses pénates, dans le nord de Paris. Du temps, la chanteuse en a peu, elle qui ploie, en ce début d’automne, sous un calendrier chargé. Très attendu, son troisième album, Mon sang, sera disponible le 15 novembre. A Noël sortira au cinéma la comédie musicale Joli joli, de Diastème, qui marque ses débuts d’actrice. A quoi s’ajoute la « Star Academy », le télé-crochet de TF1 où elle joue les marraines depuis le 12 octobre. Ainsi qu’une longue tournée qui la verra traverser la France de pied en cap, à partir du 17 décembre – deux Olympia et un Accor Arena, notamment, affichent déjà complet.

Le temps a toujours été la grande affaire des faiseurs de refrains. C’est leur matière première. Leur principal ennemi, aussi : dans une industrie qui carbure à la nouveauté, durer est un rude métier. Au tour de Clara Luciani de se mesurer au défi qu’affronte, sitôt les premiers succès dissipés, toute vedette de son envergure : à 32 ans, sur quels ressorts peut-elle asseoir sa longévité ? Sur sa connaissance du Bescherelle, tout d’abord. Pour conjurer les ravages du temps, mieux vaut savoir les conjuguer. Certains chanteurs s’en sont fait une spécialité : personne ne maîtrise mieux le conditionnel que William Sheller, l’infinitif que Christophe Miossec, l’imparfait que Charles Aznavour. Clara Luciani, elle, use à merveille de l’impératif.

C’est sur ce mode qu’elle est parvenue à rencontrer son époque, à la raconter. « Prends garde/Sous mon sein, la grenade », prévient-elle sur son premier tube, La Grenade (2018), entonné dans tous les cortèges féministes, à la suite de la détonation #metoo. « Allez, respire encore », enchaîne-t-elle sur Respire encore (2021), devenu l’hymne festif du déconfinement.

« Ce n’est pas un album sur mon fils, mais pour lui »

« Roule/Va partout/Et va plus loin que moi », exhorte-t-elle aujourd’hui avec le titre Roule. Comme sur de nombreux morceaux de Mon sang, elle s’y adresse à l’enfant qu’elle a eu il y a un an avec Alex Kapranos, le leader du groupe de rock écossais Franz Ferdinand. Elle lui dit les liens – familiaux, amicaux, amoureux – qui se nouent et se dénouent au fil de la vie. Sang mêlé que celui coulant dans ces mots et ces notes-là : à l’heure où l’Europe se raidit de toutes parts, dans une affolante fièvre identitaire, ils résonnent comme un baume. « Mon petit-fils a du sang corse, sicilien, marseillais et dunkerquois par Clara, grec et écossais par Alex… Quel beau mélange ! », s’enthousiasme son père, Jean-Marc Luciani, au téléphone. « J’ai lu, ici ou là, que Clara serait moins engagée… Elle l’est toujours, mais à sa manière, subtile », nuance, plus grave, cet ancien employé de banque aujourd’hui à la retraite.

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