lundi, janvier 13

Le profane qui brade un objet dont il ignore la valeur, et qui apprend ensuite s’être défait d’un trésor, ne peut obtenir l’annulation de son contrat de vente, car son « erreur » est jugée « inexcusable » : il aurait dû consulter un professionnel.

Il en va autrement du profane qui s’en est remis à un professionnel, comme le rappelle l’affaire suivante. En 2015, une octogénaire périgourdine ayant besoin d’argent pour financer ses dépenses de santé décide de vendre le contenu d’un garde-meuble, scellé dans des conteneurs depuis seize ans.

Elle fait appel à la société bordelaise Baratoux-Dubourg Enchères. Le commissaire-priseur, Me Y, confie à un expert le soin de classer les papiers (lettres, gravures, dessins, documents divers) et de les évaluer, mais il se charge des objets (meubles, bibelots, tableaux).

Mme X valide ensuite ses estimations, notamment celle, « entre 200 et 300 euros », d’une « huile sur toile, Visage alangui, XIXe siècle », non signée, qu’elle croit sans valeur.

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Or, le 3 juin 2015, le prix de cette dernière s’envole à 50 000 euros. Après avoir questionné Me Y sur la raison de ce succès, Mme X apprend, non sans surprise, que le Visage avait, dès sa présentation au catalogue, suscité l’intérêt des professionnels de l’art. Peut-être pour sa ressemblance avec ceux, mourants, du Radeau de la Méduse, chef-d’œuvre de Géricault (1791-1824), auxquels le commissaire-priseur avait lui-même songé, dans un premier temps. Cet intérêt l’avait seulement conduit à ajouter (sans en informer non plus sa mandante) que le tableau provenait « de la famille du peintre Gabriel Decamps » [1803-1860].

Indices dans les archives

Le doute sur la paternité du tableau est renforcé par l’examen des archives familiales que l’expert a rassemblées : mises en vente malgré l’opposition de Mme X, qui voulait en prendre connaissance, elles ont été rachetées… par elle (2 390 euros + 500 euros de frais). Son fils, M. X, y découvre deux indices permettant d’attribuer le tableau au grand peintre romantique (une feuille d’inventaire dressé en 1918 indiquant « tête, par Géricault, étude pour le Naufrage de la Méduse », et un devis de restauration de 1943).

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