samedi, mai 18
Christophe Durieux et Odile Broglin, cofondateurs de People & Baby, à la crèche du réseau située rue Charlot, à Paris, en 2017.

C’est un événement révélateur de l’exposition des groupes de crèches privé français aux risques du capitalisme mondialisé, alors que leur modèle économique fait en ce moment même l’objet d’une commission d’enquête à l’Assemblée nationale. Lundi 22 avril, Christophe Durieux, le président de People & Baby (environ 600 établissements et 11 000 enfants accueillis en France), s’est fait débarquer de la société qu’il a fondée en 2004 avec sa compagne Odile Broglin, par une intervention de leur principal créancier, le fonds d’investissement Alcentra, désormais filiale du fonds américain Franklin Templeton.

Le couple en était pourtant l’unique actionnaire jusqu’à jeudi 18 avril. Pour comprendre, il faut revenir sur l’histoire récente du groupe et les rêves de grandeur de ses fondateurs. En 2018, pour se développer à l’international, l’entreprise (dont le chiffre d’affaires, en 2017, est de 68,9 millions d’euros) sollicite le fonds d’investissement britannique Alcentra qui lui ouvre une ligne de crédit, débloquant des tranches successives pour un montant total de près de 500 millions d’euros, hors intérêts.

Le groupe croît rapidement, principalement par des acquisitions. Ce qui lui permet de revendiquer aujourd’hui sa présence au Canada, aux Etats-Unis, au Luxembourg, en Italie, en Belgique, en Chine, à Singapour, au Qatar ou aux Emirats arabes unis. « Et nous sommes numéro un des crèches à Dubaï », souligne M. Durieux.

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Un premier accroc survient pendant la crise liée au Covid-19. « Alors que nous étions dans une situation très difficile, nos établissements étant fermés dans le monde entier, le fonds a exigé que nous payons tout de même 4 millions d’euros d’intérêt. Ce que nous avons fait », indique-t-il. Pour lui, le tournant a lieu fin 2022, quand Alcentra est racheté par le fonds américain Franklin Templeton. « Ils ont alors soudainement refusé de décaisser la dernière tranche prévue de 12,9 millions d’euros au prétexte que nous avions dépassé notre ratio d’endettement de 0,1 %. Alors que nous avions déjà engagé cet argent. Ils n’ont pas respecté nos accords », estime M. Durieux, qui cesse de payer les intérêts de la dette.

La trésorerie s’assèche rapidement, jusqu’à passer dans le rouge fin 2023. Acculés, les fondateurs acceptent, en échange du déblocage de 2,5 millions d’euros pour payer les salaires (le groupe emploie 6 000 personnes en France, 10 000 dans le monde), de concéder à Alcentra-Franklin Templeton une « action de préférence » : elle leur permet d’acquérir d’un coup 75 % des droits de vote s’ils le jugent nécessaire.

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